9.12.11

Cosmopolis – Don DeLillo


Don DeLillo est un auteur américain qui fait figure de référence dans la littérature contemporaine, outre-Atlantique. Il a été récompensé par de nombreux prix prestigieux aux Etats-Unis mais reste relativement peu connu en France.

Je découvrais, avec Cosmopolis, son œuvre.

Cosmopolis est un livre qui dérange, à plus d’un titre. Structurellement, le livre est construit comme une série de scènes plus ou moins hallucinatoires, le plus souvent d’une extrême violence physique, psychologique ou morale. Les transitions sont brutales comme il est fréquent dans la littérature moderne. Une brutalité voulue et entretenue pour secouer le lecteur, le malmener et le mettre mal à l’aise car il s’agit de le préparer à un proche futur. Chaque épisode nous catapulte dans de plus en plus noires profondeurs humaines.

Le proche futur dont il est question n’a rien d’un long fleuve tranquille et plonge New York City, où se déroule l’action, à feu et à sang. Eric Packer est un jeune homme de vingt-huit ans. Il est immensément riche, brillant, mathématicien de génie. Il a bâti une fortune colossale en spéculant sur les devises. Du fond de sa limousine blanche bourrée d’électronique et d’écrans qui lui permettent d’intervenir en permanence sur les marchés, protégé par une petite armée efficace de gardes du corps, il pense diriger le monde. Un monde où il s’ennuie.

Mais voilà que, très vite, la réalité lui échappe. Le Yen sur lequel il engage sa fortune en spéculant à la baisse, ne cesse de monter contre toute attente. Au même moment, des manifestants surgis de nulle part envahissent la ville et lâchent des rats pour semer la panique. Un homme s’immole par le feu, parfaitement calme et immobile. La ville est au bord de la guerre civile. La femme qu’il a épousée refuse de se comporter en épouse et prétexte mille choses pour ne pas faire l’amour. Ceci devient une obsession qui le hante et le pousse à se venger, inconsciemment, sur les autres comme sur lui-même.

Alors Eric se livre à une hyperactivité sexuelle tout en se laissant ausculter par un médecin qui lui annonce une prostate asymétrique. Plus la journée avance, plus la ville se délite, plus graves deviennent les tentatives de s’en prendre à la vie d’Eric. Les menaces s’amoncellent et se précisent de toutes parts.

Plus Eric perd de l’argent, plus il se dépouille, s’introspecte, cherche à donner un sens à une vie dont les sentiments et les passions ont été exclues. C’est à la chute d’un homme, dans un décor hallucinatoire et terrifiant que nous assistons. La nudité, individuelle et collective, sont autant de moyens pour l’auteur pour accentuer des situations intrinsèquement bizarres, voire choquantes. C’est un thème récurrent dans le roman et annonciateur de nouvelles catastrophes tout en déclenchant des prétextes à des pulsions nouvelles.

Pour cela DeLillo use d’une langue souvent à la limite de la vulgarité, une langue crue et cruelle, une langue où les sécrétions, les humeurs et le sexe tiennent une place prépondérante. Une langue qui crée immédiatement un sentiment de malaise et rappelle ces films d’anticipation décrivant un monde en proie à la destruction et à la perte de tout repère.

Pourtant, malgré l’indéniable force qui habite ce roman, je suis resté sans arrêt en dehors, la faute à un parti-pris qui vise à tabasser un lecteur malgré lui. L’intrigue est particulièrement tordue rendant la lecture encore plus complexe.

Bref, j’ai admiré la prouesse littéraire comme on admire la technique infaillible d’un peintre, froidement, sans passion et refermé le livre en me demandant si j’allais tenter une nouvelle chance…

Publié aux Editions Actes Sud – 222 pages