16.12.11

La traversée du Mozambique par temps calme – Patrice Pluyette


Voilà un titre qui interpelle, qui sent bon l’aventure et le dépaysement. La collection Fiction & Cie du Seuil nous réservant souvent d’heureuses découvertes, notre blanche main de lecteur et blogger avertis ne peut résister à l’appel d’un auteur qui nous fut jusqu’ici inconnu.

Commence alors une traversée littéraire rocambolesque, assez hilarante, mélange de Monty Python et de Comedia Del Arte. Le tour de force est remarquable d’autant qu’il est servi par une écriture puissamment maîtrisée, passablement savante et que l’irruption déterminée de mots ou d’expressions communes mais inattendues rend digeste et allègrement comique. Un sacré morceau de bravoure qui force l’admiration, à vrai dire !

L’intrigue est en soi réjouissante et nous réserve un copieux menu fait de rebondissements, de personnages salvateurs agissant en véritables Dei ex Machina et, au fond, de profonde tendresse de l’auteur pour sa cohorte de personnages terriblement humains dans leurs désirs et leurs quêtes. Des personnages qui seront, c’est selon, transcendés ou emportés par une aventure qui les dépasse et les broie.

Belalcazar est un archéologue à la retraite. Il est hanté par la découverte de la cité mythique de Païtiti, perdue quelque part dans la jungle indienne et qui regorge d’or. Ses trois précédentes expéditions ont tourné au désastre absolu mais il n’a pas renoncé.

Sa nouvelle tentative est rigoureusement planifiée. Il embarque sur un bateau accompagné de deux chasseurs d’ours bruns amérindiens, d’une femme skipper aussi compétente que silencieuse et d’une cuisinière frustrée de n’avoir jamais connu le grand amour. Chacun des membres d’équipage a une revanche à prendre sur la vie, quelque chose à se prouver, un sens à donner à une existence jusque là essentiellement peuplée d’échecs successifs.

Par une suite de circonstances qu’il vous appartiendra de découvrir, l’étrange équipage subira l’assaut d’un pirate fantôme et se retrouvera échoué sur la banquise alors qu’il croyait franchir le détroit de Magellan.

Nous suivrons leur sauvetage d’une mort glacée, leur parachutage en Montgolfière sur la forêt amazonienne, leur traversée d’une jungle hostile, l’assaut d’une tribu déterminée à les dévorer et l’arrivée en train dans la cité promise, sorte de Walt Disney d’une propreté absolue, paradis artificiel et piège mortel. Un délice de délires et d’invraisemblance !

Mais chacun aura, au bout du compte, trouvé l’or tant recherché sous la forme d’un sens personnel à une vide précédemment vide. C’est l’amour, la gloire, l’intégration sociale et la quiétude qui sont les grands vainqueurs d’une troupe d’humains englués dans ses contradictions. Le tout sans moralisation aucune, juste au travers de la catharsis qu’est cette fable moderne.

On ne s’ennuie pas une seconde, sourit et rit souvent face à la facétie des mises en situation et à la volonté absolue de P. Pluyette de nous soumettre à une imagination débridée et qui casse tous les codes de bon sens, de réalisme ou de pertinence. C’est une grosse farce, une sorte de roman théâtral, illustration de l’art de la comédie servi par la technologie du XXIeme siècle. Une bien plaisante curiosité dans tous les cas !

Publié aux Editions Seuil – 317 pages