A lire la quatrième de couverture, on se dit que ce livre
sera soit une réussite, soit un gros navet. On ouvre alors le roman, en
espérant que la première option sera la bonne. Et, une fois refermé, on
n’arrive pas à se décider si c’est un livre seulement original mais moyennement
ficelé ou carrément génial pour autant qu’on adopte le parti-pris onirique et
délirant de l’auteur. Pour ma part, j’en retiens un roman vraiment à part,
fondamentalement original, interpelant et qui ne s’effacera pas sitôt le
prochain bouquin entamé, ce qui n’est déjà pas si mal. Mais je n’irai pas
jusqu’à proclamer que j’ai adoré…
En fait le roman navigue en permanence entre plusieurs
genres. Du côté des réussites, on retiendra la tendance conte fantastique et
onirique où le rationnel n’a pas sa place, où réalité objective et délire se
superposent en s’influençant mutuellement. Du côté bof, les considérations
sociologiques tendance piliers de bar, volontairement décalées et qui se
veulent drôles, affaiblissent considérablement la structure d’un roman qui en
déroutera sans cela plus d’un.
Nicolas Angstrom est un technicien en photocopieurs. Un dieu
dans son domaine, celui qu’on envoie dans les cas les plus désespérés et qui
entretient une relation quasi intime et obsessionnelle avec ces placides
machines qui ont fâcheusement tendance à tomber en panne. Vingt ans qu’il
domine son sujet, fidèle à son poste, jamais malade, jamais en congés.
Brutalement, sans prévenir, son talent s’enfuit et la
pression de la hiérarchie monte. Si bien qu’à l’occasion d’une fusion avec un
acquéreur indien, Nicolas va se retrouver licencié, sur le carreau, totalement
impréparé à affronter une autre vie, lui qui n’a comme seul compagnon qu’un photocopieur
bricolé par ses soins à coups de pièces recyclées ou sauvées des décharges.
Commence une longue descente vers l’exclusion dont un
apparent clochard va le sauver. Car il existe une face cachée du monde, une
explication aux évènements médiatisés qui ne doivent rien au hasard et Nicolas
va se voir offrir un rôle dans le grand théâtre de la vie. Cependant, plus
Nicolas va tenir ce rôle, plus il va retourner vers un passé secret, enfoui et
impossible à supporter, un passé hanté par un père mort il y a trente ans et
qui s’impose dans des dialogues psychotiques d’ivrogne.
On navigue sans cesse d’un état du monde à l’autre, chaque
événement de notre vie étant censé porter un signifiant pour d’autres que nous
qui eux savent voir. Le découvrir risque d’entraîner le spectateur vers la
folie, le désespoir, l’alcoolisme ou le suicide. Ce sont ces différents voyages
que nous parcourons de façon saccadée et, en apparence, déstructurée. Dommage
que l’écriture ne soit pas toujours à la hauteur des ambitions et originalités
du récit.
Publié aux Editions Buchet et Castel – 250 pages