Il faut du
courage pour traverser une dépression, l’affronter, y survivre, s’en sortir. Et
au moins autant de courage, ensuite, pour accepter d’en parler ouvertement
alors que, trop souvent, ce qui est une véritable maladie, un effondrement
complet de la personnalité engendré par un déséquilibre profond de la chimie du
cerveau est socialement mal accepté. Combien de fois, n’entend-on pas dire au
sujet de dépressifs qu’ils pourraient s’en sortir avec un peu de volonté…
Céline Curiol est
passée par là. A l’été 2009, elle fut victime d’une grave dépression dont elle
ne dit pas vraiment l’origine si ce n’est que l’on comprend que le décès d’un
père et une rupture amoureuse figurent certainement parmi les multiples causes
d’un mal-être profond.
Cinq ans plus
tard, elle se décide à témoigner à la fois par souci de permettre à ses
lecteurs de comprendre que cela peut arriver à n’importe qui n’importe quand
mais aussi comme une forme d’ultime catharsis, comme l’expulsion symbolique
finale, verbalisée de façon très structurée, d’un mal qu’il convient d’exterminer.
Chercher dans ce
livre une auto-confession serait une erreur. Derrière, autour devrais-je dire
surtout, des courts passages véritablement personnels et où l’auteur se livre
se trouvent surtout de très nombreuses réflexions et citations sur l’histoire
et la place de la dépression dans notre société occidentale et la façon dont
elle a été comprise, adressée et traitée au fil du temps. Du coup, le livre
demande une véritable attention de son lecteur d’autant que la femme de lettres
s’y révèle d’une fulgurance intelligence, d’une culture pantagruélique
traduisant la volonté farouche de comprendre ce qui lui est arrivé pour l’accepter
et le combattre à jamais.
Un très beau
livre pour un public prévenu par l’exigence qu’il requiert.
Publié aux
Editions Actes Sud – 2014 – 221 pages