En tant que militant loyal du PAD et contrôleur du budget de
la mairie de la capitale de l’état où il vit, Jesus Pastrana s’est taillé une
réputation d’honnêteté et d’incorruptibilité qui lui a valu le surnom de
« sacristain ».
Derrière cette façade se cache une personnalité plus
complexe en proie avec des difficultés conjugales de plus en plus lourdes et
l’amenant à affronter au quotidien une épouse aigrie et fielleuse. Entrainé par
le désir de s’emparer de la Mairie au nez et à la barbe des pourris qui la gouvernent
en s’en mettant plein les poches, Pastrana veut y faire le grand ménage et de
redonner le pouvoir au peuple dans un salutaire mais utopique exercice
démocratique.
Aidé malgré lui par les forces qu’il combat, Jesus va, par
une série de concours de circonstances, se retrouver propulsé candidat aux
mains propres de son parti qui entend bien en faire une marionnette. Au même moment,
Jesus, dans un moment d’égarement et en pleine rupture familiale, va laisser
libre cours à des pulsions homosexuelles refoulées depuis l’enfance et lever un
prostitué trans dont il va tomber follement amoureux au point d’en faire sa
nouvelle compagne secrète. Un choix bien embarrassant dans un pays catholique
ultra-conservateur d’autant que la belle enfant s’avère n’être pas moins que la
« sœur jumelle » de l’un des pires narcotrafiquants de la région.
Sur ce scénario improbable et haut en couleurs, Enrique
Serna, usant d’une langue aussi imagée que truculente, bâtit un roman à la fois hilarant et
effrayant. Un effroi qui nous montre les collusions inextricables des multiples
pouvoirs politiques, judiciaires ou journalistiques avec l’intérêt et l’argent
de la pègre qui, quand elle ne parvient pas à acheter complaisance ou silence,
n’hésite pas à faire disparaître à jamais, après de raffinées tortures, les
gêneurs ou à les faire chanter via de machiavéliques combinaisons.
Au-delà de cette dénonciation dont on sent qu’elle est fort
documentée même si elle ne sert qu’à alimenter une fiction, l’auteur a
l’intelligence de nous montrer que se lancer dans la bataille politique,
quelles que soient les valeurs prétendument défendues, ne peut se faire sans se
débarrasser de son innocence. Ce n’est qu’en devenant plus tordu que les
autres, plus rude, en n’hésitant pas à faire le ménage autour de soi y compris
auprès de ceux qu’on pensait être des amis, en imposant des règles d’airain et
en emberlificotant celles et ceux qui croyaient vous tenir entre leurs mains
que l’on aura une petite chance de mettre en place une partie de son programme
et des idées pour lesquelles la bataille électorale (une expression qui prend
ici tout son sens tant les cadavres jonchent le sol) aura été livrée et
remportée.
Un livre certes extrême, au rebondissement ultime plus
qu’improbable, mais qui se laisse lire avec autant de plaisir que d’intérêt.
Publié aux Editions Métailié – 2016 – 366 pages