Christian Guay-Pouliquin,
avec ce deuxième roman récemment publié en France, confirme qu’il aime écrire,
de façon paradoxalement haletante, des histoires où il ne se passe rien. Un
rien aux origines incontrôlables. Un rien qui rend alors tout possible.
Ici, trois causes se
combinent pour rebattre toutes les cartes. Depuis des semaines, une gigantesque
panne d’électricité s’est emparée d’un pays dont l’immensité parsemée de forêts
impénétrables et de lacs profonds fait nécessairement penser au Canada dont est
originaire l’auteur. Une panne d’autant plus inquiétante qu’elle survient au
moment où la neige commence à tomber accumulant jour après jour des couches de
plus en plus épaisses. Un homme encore jeune qui se rendait dans son village
natal, après dix ans d’absence, pour visiter son père a été victime d’un grave
accident de la route. Sauvé de justesse par ceux de son village qui l’ont
reconnu, il est confié aux soins d’un inconnu, lui aussi échoué dans ce village
isolé de tout et dont la neige rend la sortie absolument impossible.
Dès lors, tout est en
place pour bâtir un roman en forme d’huis-clos et dont les dialogues aussi
rares qu’incisifs viennent rythmer un temps dont on ne fait plus le décompte.
Optant pour des chapitres courts, parfois très courts, qui tous s’ouvrent par
un nombre que l’on peut interpréter comme celui des centimètres de neige qui
s’accumulent ou des jours d’enfermement qui croissent avant de décroître vers
un avenir aussi incertain qu’aléatoire lorsque le dégel avance lentement,
Christian Guy-Pouliquin scrute avec talent, patience et minutie comment les
règles sociales évoluent puis explosent, comment les relations entre deux
individus obligés de se supporter pour s’entr’aider et survivre suivent des
méandres aussi tortueux que la guérison délicate d’un accidenté soigné avec les
moyens du bord.
Chaque jour qui passe
accentue le poids de la neige sur les structures sociales, sur les habitats,
sur les hommes dévorés par leurs tensions, leurs passions et leurs illusions
jusqu’à un délitement final qui laisse le champ à toute interprétation et à
tout possible, surtout le pire.
Christian Guay-Pouliquin
signe un roman aussi fort qu’original d’ailleurs récompensé par de nombreux
prix.
Publié aux Editions de
l’Observatoire – 2018 – 251 pages