Davos, cette petite
station de ski suisse tranquille, est doublement célèbre. Grâce à Thomas Mann
d’abord qui en fit la terre d’accueil de son chef-d’œuvre « La Montagne
Magique », l’endroit reculé où venaient en cure, et souvent mourir, tous
les riches malades de la tuberculose d’un monde désormais révolu. Ensuite, ce
furent aux Grands de ce Monde de se retrouver chaque début d’année au cours
d’un sommet coûteux et vain puisqu’il ne sert, au bout du compte, qu’à flatter
les égos de celles et ceux qui y sont conviés les autorisant à se revendiquer
d’une élite mondiale.
Davos sera dorénavant
aussi célèbre pour une troisième raison, à nouveau littéraire. C’est là que se
trouve le fictif (surtout ne le cherchez pas car il n’existe que dans notre
imaginaire) « Hôtel Waldheim ». Un hôtel d’assez bonne tenue où,
chaque été de ces années soixante-dix, le jeune Jeff Valdera venait passer
quelques semaines en compagnie d’une tante célibataire. Un lieu de villégiature
un peu oublié dans la tête d’un désormais quinquagénaire vivant au bord de la
mer. Un lieu qui va se rappeler soudain à lui lorsqu’il reçoit, coup sur coup,
trois intrigantes cartes postales tout droit sorties du jeu mis à la
disposition des clients d’alors de l’hôtel. Trois cartes rédigées dans un
français approximatif sommant leur destinataire de se souvenir (mais de quoi)
pour s’en ouvrir (mais auprès de qui ?). Intrigué par un procédé aussi peu
usuel que désuet, Jeff accepte de rencontrer leur auteur qui se révèle être une
femme plus jeune que lui. Une Suissesse qui a décidé de consacrer sa vie à
rechercher les traces de son père brusquement disparu alors qu’il séjournait,
en même temps que le jeune garçon qu’était Jeff, dans l’hôtel Waldheim.
Pour Jeff, l’homme en
question n’était qu’un joueur de go avec lequel il apprit les règles avant de
les appliquer dans des parties qu’il perdit toutes. C’est sans compter sur la
force d’inquisition de l’auteur des cartes postales qui va pousser Jeff dans un
travail de mémoire, une plongée presque psychanalytique d’une période de sa vie
occultée.
Commence alors un
délicieux voyage dans un pays neutre, un lieu aseptisé où s’affrontent à
distance la Stasi d’une RDA totalitaire et divers ressortissants de pays libres
en charge d’un réseau d’exfiltration d’intellectuels est-allemands. Avec sa
prose policée et mâtinée d’humour féroce, son sens de la psychologie, sa
capacité à faire vivre des personnages multiples qui tous se bernent (sans jeu
de mots !), François Vallejo a mijoté un plat savoureux que l’on déguste
avec un immense plaisir comme ces montagnes de viande des grisons servies aux
clients de l’Hôtel Waldheim à leur arrivée comme à leur départ par un Directeur
apparemment aux petits soins…
Publié aux Editions
Vivian Hamy – 2018 – 298 pages