Avec ce roman historique, Whitney Scharer nous offre une
formidable plongée au cœur du Paris artistique, surréaliste et dadaïste des
années 20. Regorgeant de détails puisés aux meilleures sources, l’auteur nous
place aux côtés des grandes figures intellectuelles de cette époque dont nous
découvrons la face cachée, intime, les ressorts qui nourrissent souvent leurs
créations artistiques.
Jusque-là, la jeune Lee Miller avait mené une vie de
mannequin recherchée et adulée pour l’édition américaine de Vogue. Cette icône
de la mode, poussée par un père possessif, va décider de tout lâcher, âgée
d’une vingtaine d’années pour venir s’installer à Paris et y peindre.
Très vite à court de ressources et toujours accompagnée d’un
petit appareil photo, elle s’initie peu à peu à cette discipline qui la mènera,
par le hasard des rencontres dans le Paris des années folles, dans le studio
d’un certain Man Ray, alors portraitiste recherché. Elle en deviendra
l’assistante, le modèle et, assez rapidement, la maîtresse. Commence alors une
relation passionnelle, intense dans laquelle l’élève inspirera le maître en
même temps qu’elle en apprend tout en le sublimant bientôt à sa manière.
D’une nature viscéralement jalouse, Man Ray fera tout pour empêcher
la reconnaissance du talent de sa maîtresse voire s’en approprier certains
travaux. C’est sa jalousie maladive aussi qui finira par causer le naufrage
d’une relation trop passionnelle et perverse pour survivre à la volonté de
reconnaissance, d’émancipation et d’indépendance de sa muse.
Lee Miller deviendra alors une photographe reporter qui
sillonnera les champs de bataille de la Seconde Guerre Mondiale aux côtés des
armées américaines. Figurant parmi les premiers contingents venus libérer les
camps de concentration, elle restera hantée par les images prises sur place. Psychologiquement
fragile, alcoolique et menant une vie de bâton de chaise, elle finira comme
l’épouse déclassée, retirée dans la campagne anglaise, de Roland Penrose,
figure de proue de la peinture surréaliste anglaise, publiant des chroniques
gastronomiques pour le compte de l’édition anglaise de Vogue.
Au-delà de la découverte détaillée de la vie artistique
parisienne d’une des périodes créatrices les plus fécondes du siècle dernier,
Whitney Scharer réussit l’exploit de nous faire ressentir au plus profond les
émotions, les peines et les joies, les doutes et les questionnements, les
incessants tâtonnements de tous ces personnages d’exception dotés d’une
psychologie agitée sans cesse traversée par des tempêtes bouleversant tout. Une
formidable réussite.
Publié aux Éditions de l’Observatoire – 2019 – 441 pages