C’est à un voyage étrange, inhabituel et quelque peu
initiatique que nous convie Bérengère Cournut. Une plongée en plein pays Inuit
au cœur de l’Arctique. Un monde
totalement hostile pour tous ceux qui s’y aventureraient sans préparation. Un
monde tout autant hostile pour le peuple qui y habite s’y déplaçant en petits
groupes constitués de juste quelques familles.
A la suite d’une partie de chasse qui a mal tourné, une
jeune femme Inuit se retrouve seule sur la banquise avec juste quelques chiens
et quelques outils de base. Plus les jours passent, plus la faim se fait
tenace, les chiens menaçants et le froid mordant. C’est la mort assurée qui
attend la survivante jusqu’à ce qu’elle tombe par hasard sur un groupe de
chasseurs auxquels elle est apparentée et qui vont la recueillir.
Par les yeux, les sens, les émotions de cette jeune femme
dont nous allons suivre la vie, l’auteur nous convie à la découverte d’un monde
aux antipodes du nôtre. Un univers où survivre constitue la lutte quotidienne,
où se nourrir le plus souvent de viande crue juste prélevée sur les phoques ou,
quand on a de la chance, les bœufs musqués ou les ours, constitue la denrée de
base. Un monde où les esprits rôdent sans cesse et sont conviés pour aider à
régler maladies, accouchements, tensions sociales, fortunes de chasse et de pêche
dans une pratique animiste et chamanique qui cimente la vie de tous. C’est
d’ailleurs par les chants improvisés, dont des extraits entrecoupent les récits
et les courts chapitres de ce roman, que les conflits se règlent, permettant
l’expression neutre mais officielle des tensions afin de favoriser aussi
simplement que possible la résolution des conflits. Une approche indispensable
quand la violence est quotidienne, celle de la chasse, celle de la lutte contre
les éléments, celle des hommes aussi entre eux et qu’il convient de ne pas en
ajouter de nouvelles expressions.
Au moyen d’une écriture épurée mais souvent poétique,
Bérengère Cournut sait nous entraîner à la découverte à la fois émerveillée et
apeurée d’un monde dont les possessions se réduisent à quelques morceaux de
pierre et d’os, les fondements consistant à assurer la survie du groupe avant
tout. Un très beau récit élaboré sur la base d’études ethnologiques et qui fut
récompensé par le Prix des Lecteurs FNAC 2019.
Publié aux Éditions Le Tripode – 2019 – 224 pages