26.8.20

Les vivants au prix des morts – René Frégni

 


Déjà, le titre en soi, emprunté à l’expression des marchandes de poissons soldant leurs invendus sur le port de Marseille, est une invitation lancée au lecteur curieux à s’aventurer vers ce roman. Une fois attrapé dans le filet de ce pêcheur de lignes, dès les premières pages tournées, l’on est pris par cette étrange et fascinante histoire que nous conte l’écrivain installé à Manosque dans une langue foisonnante, riche en couleurs et en senteurs comme ces paysages des Alpes de Haute-Provence si chère à l’auteur.

 

C’est là-bas, du côté de Manosque, qu’un écrivain est parti se retirer. Il vit dans un grand domaine rural avec sa compagne professeur des écoles. Une existence tranquille rythmée par de longues balades en montagne, le travail de la terre, l’écriture et un amour sincère avec celle devenue, sur le tard, la femme de sa vie. Une existence qui va se trouver bouleversée lorsqu’il reçoit un appel d’un détenu qui vient de s’évader et qu’il a connu lors des ateliers d’écriture qu’il a animés pendant de nombreuses années dans diverses prisons de la région.

 

Dès lors, le roman de René Frégni bascule d’un genre gentiment pastoral à celui, beaucoup plus brutal, du thriller. Car, une fois l’erreur commise par l’écrivain d’héberger pour un temps a priori court un malfrat en cavale, ce sont toutes les histoires de ce dernier et toute la pègre qui s’y rattache qui vont finir par débouler et transformer le mas tranquille en porte de l’enfer physique et psychologique.

 

Psychologique surtout, car le talent de l’auteur est de dépeindre avec précision, réalisme et exactitude l’angoisse, l’oppression, la paranoïa qui ne cessent de grandir dans la tête d’un honnête homme que rien n’avait préparé à devenir la main active puis complice d’un des hommes les plus recherchés de France. Un talent complété par celui de nous faire vivre de plein pied les aventures, les erreurs, les pertes et reprises de contrôle qui peuvent selon les cas conduire à une sortie fatale ou heureuse. Bref, c’est un suspense de chaque instant qui restera entretenu avec brio dans un livre de genre qui fait honneur à la belle langue de facture classique ce qui est loin d’être habituel.

 

Une réussite qui valut d’ailleurs à ce beau roman de recueillir le Prix des lecteurs Gallimard 2017.

 

Publié aux Éditions Gallimard – 2017 – 188 pages