9.9.20

La quatrième main – John Irving

 


Dans son dixième roman, John Irving met au premier plan un journaliste, Patrick Wallingford, employé par une chaîne de télévision spécialisée dans les reportages consacrées aux malheurs du monde et catastrophes ou aventures improbables individuelles. Bref, du journalisme peu glorieux, sensationnel et qui opère tous ses choix le regard rivé sur l’audimètre. Patrick, le playboy au charme duquel toutes les femmes (et principalement son épouse légitime dont il vient de divorcer) succombent y est le présentateur vedette du journal du soir ainsi qu’un journaliste de terrain. Du moins jusqu’à ce qu’un reportage effectué en Inde ne capture en direct la séquence durant laquelle il se fait happer et dévorer la main par un lion.

 

Du sensationnel comme en rêve son employeur qui va faire de Patrick une vedette mondialement connue en même temps qu’un manchot peu à peu relégué dans les seconds rôles journalistiques.

 

Un peu malgré lui, quelques années plus tard, il se verra proposer la greffe d’une main d’un chauffeur-livreur qui vient de se tuer bêtement. Une main offerte par l’épouse du défunt dont les exigences sont multiples et les arrière-pensées aussi déterminées qu’un brin perverses. Une fois greffée, la main agira plus ou moins comme une entité en soi, comme la prolongation du défunt instillant une relation des plus ambigües entre le receveur et la veuve du donneur.

 

Sur cette trame, John Irving va à nouveau convoquer ses thèmes favoris (les vicissitudes qu’implique la célébrité, le pouvoir malsain de l’argent, la superficialité de l’information, les affres de la sexualité dévorante, l’information manipulée…) pour élaborer un récit comme toujours assez déjanté. On n’y retrouve cependant pas le rythme qui a fait de l’auteur du « Monde selon Garp » un écrivain riche et célèbre. Les séquences hilarantes y sont en outre assez rares et l’ennui guette parfois un peu dans une histoire qui est une critique très américaine de la société américaine. D’où une perte d’universalité, les références culturelles et sportives aux États-Unis limitant la portée d’une histoire qui louvoie entre romance charmante et dénonciation d’un mode de vie qui tourne au non-sens.

 

Publié aux Éditions Points Seuil – 2002 – 376 pages