En 2006, Olivier Rolin publiait une fiction drolatique intitulée ‘Suite à l’hôtel Crystal’. Il y imaginait sa mort dans une chambre de l’hôtel Apchéron (un nom aux senteurs proches du fleuve que traversaient les morts de l’Antiquité, une pièce dans la bouche afin de payer le passeur) à Bakou. Histoire d’enfoncer le clou, le roman fut même accompagné d’un bandeau « Olivier Rolin (Boulogne-Billancourt , 1947 – Bakou, 2009) ».
Quelques années plus tard, ignorant les avertissements de ses amis lui intimant de ne pas se rendre dans cette obscure capitale de l’Azerbaïdjan où l’on pourrait bien vouloir attenter à sa vie pour de vrai, l’infatigable voyageur qu’est Olivier Rolin prit l’avion pour tenter de vérifier par lui-même si la balle de 9 millimètres censée lui avoir ôté la vie de manière fictionnelle trouverait ou non une concrétisation dramatique.
Or, quoi de mieux pour une nouvelle aventure humaine et littéraire qu’une ville située loin des circuits touristiques, capitale d’un état pétrolier totalitaire dans laquelle d’improbables édifices princiers au goût contestable ponctués de gigantesques statues à la gloire du père de la patrie soulignent le culte mégalomaniaque de la personnalité de son dirigeant népotique ?
Voyager avec Olivier Rolin c’est accepter les rencontres inattendues avec des personnages bigarrés, au passé souvent douloureux, à l’âme sarcastique et d’une expérience ou d’une culture à même de se confronter à celles, abyssales, de leur interlocuteur. C’est accepter encore de fréquenter les hôtels peu glamour et les restaurants vides, un brin crasseux mais au charme indicible dont ces contrées semblent regorger. Bref, c’est se fondre dans une pérégrination où lectures, discussions, impressions et réflexions se mélangent et s’alimentent sans cesse les unes des autres pour former un univers poétique fascinant, à nul autre pareil. Une approche qui donnerait presque envie de courir vers cette ville un brin sulfureuse au passé mouvementé dont l’auteur nous donne à découvrir certains de ses hauts-lieux au gré des photographies qu’il y prit pour illustrer régulièrement son propos du moment.
Publié aux Editions Seuil - Fiction et Cie – 2010 – 175 pages