« Absolument débordée », une expression magique pour décrire l’agitation inutile et sans fondement qui caractérise la plupart des membres de cette Mairie que l’auteur nous décrit de l’intérieur. Une expression destinée à faire croire aux chefs, aux élus, aux politiques que non seulement les dossiers avancent, que l’administration fait un incroyable travail mais, aussi et surtout, qu’il faut sans cesse ajouter de nouveaux fonctionnaires et de nouveaux stagiaires pour faire face à une charge de travail considérable.
Poudre aux yeux, bien sûr, destinée aussi à faire mousser les intrigants. Zoé Shepard est bien placée pour nous conter l’incroyable foutoir qu’est la Mairie dans laquelle elle a abouti. Après huit ans d’études, titulaire du diplôme d’Administratrice Territoriale, le graal, elle pensait produire un travail utile et concret, au service de l’intérêt général.
Or ce ne sont que flagornerie, incompétence, gabegie qu’elle va rapidement constater. Le mot d’ordre semble être la paresse généralisée au service d’une bêtise incommensurable, à croire que tous les incompétents de la terre ont échoué là-bas. Seule compte l’inféodation à un Maire corrompu au dernier degré, la parentèle et les maîtresses occupant les postes clé. Toute tentative pour faire aboutir un dossier par la simple application des règles de bon sens se heurte à une capacité systématique des petits chefs de service et de la cohorte de l’Elu à tout faire tourner en eau de boudin.
Zoé Shepard vide ici un sac que l’on comprend être beaucoup trop plein. Elle le fait avec une dose d’humour caustique au second degré assez décapant et qui a su nous tirer des rires réguliers tant les situations sont, malheureusement, cocasses et navrantes de bêtise. Cependant, à vouloir ne décrire que ces fleuves de nullité qui débouchent sur un océan d’attentisme et de gâchis, le tableau tend à perdre de son impact. Car il y a forcément des hommes et des femmes qui travaillent et il n’y est fait que très marginalement allusion ici ou là. Lorsqu’en outre l’auteur s’en prend parfois aux caractéristiques physiques des personnes qu’elle dépeint, on frise alors la méchanceté pure et simple ce qui fera, de fait, de ce récit une simple parenthèse amusante mais pas un témoignage suffisamment factuel et neutre pour en conclure que l’administration dans sa totalité est à l’image de la description apocalyptique qui en est faite ici. Même si nous sommes convaincus, pour avoir été confronté comme tout citoyen à des situations parfois ubuesques, qu’il existe des marges de productivité et d’efficacité gigantesque, ne serait-ce que par la simplification radicale de notre système. En empilant, commune, communautés de communes, département, région et Etat central, sans compter une Europe omniprésente, on ne peut qu’engendrer un monstre inefficace et coûteux. A quand donc le courage politique d’une grande, profonde et radicale réforme de l’Administration ? C’est la question sous-jacente de ce pamphlet.
Publié aux Editions Albin Michel – 2010 – 301 pages