7.1.11

Purge – Sofi Oksanen


Premier roman publié en France de Sofi Oksanen, best seller en Finlande, pays d’origine de l’auteur, vendu à 150000 exemplaires dans un pays qui compte 5 millions d’habitants, « Purge » a frappé un grand coup et très vite retenu l’attention des critiques en France. De fait, il remporta presque immédiatement le Prix du roman Fnac avant que de se voir attribuer le Prix Femina Etranger.

« Purge » est un roman sur la honte et la peur, ces deux piliers des régimes totalitaires. Honte des femmes violées avec toute la brutalité nécessaire par des hommes qui, parce qu’ils détiennent armes et une once de pouvoir, n’ont d’autres objectifs que d’abuser des femmes laissées seules par les maris arrêtés, morts ou envoyés au front, histoire d’asseoir leur autorité, inspirant honte te peur à leurs victimes, marquées à vie. Peur qui habite tout un chacun quand tous les murs ont des oreilles, que le moindre voisin, la plus vague connaissance peut vous envoyer en déportation sur dénonciation pour le motif le plus fallacieux, rarement exempt d’arrière-pensée personnelle.

Honte et peur sont définitivement les sentiments qui habitent ces deux femmes qu’a priori tout opposait. Lorsque Aliide, une vieille femme qui habite seule une ferme isolée d’Estonie, découvre Zara un beau matin de 1992, allongée dans la cour de sa ferme, elle pense d’abord à un guet-apens. Un appât pour la forcer à sortir, pour que les voleurs qui rodent sans cesse s’emparent de tout ce qui peut l’être.

Bien vite, Aliide réalisera qu’il n’en est rien et ces deux femmes vont apprendre à s’apprivoiser en même temps que les ouvenirs des deux générations qui les séparent remontent à la surface.

La honte, Aliide l’a connue lorsqu’elle fut arrêtée arbitrairement par la milice russe, une fois l’Estonie libérée de l’occupation allemande et passée sous la celle de Staline. Portant un panier de champignons, elle fut accusée de nourrir les bandits séparatistes, violée, laissée dans un fossé. Violée, elle le fut encore, ainsi que brutalisée physiquement et psychiquement, lorsque, avec sa sœur Ingrid et sa fille, elle fut accusée de cacher son beau-frère Hans.

La honte, Zara, l’a bue jusqu’à la lie. Elle se fit naïvement entraîner par la mafia russe à Berlin où elle fut contrainte à la prostitution la plus servile, battue, recousue sans cesse, filmée et photographiée pour la faire chanter, lui instiller la peur permanente d’être dénoncée à sa famille qui la croit à l’abri de tout, à l’Ouest.

A travers le parcours de ces deux femmes que nous allons progressivement découvrir, l’auteur dévoilant avec astuce et suspens des petits pans des secrets de famille, c’est l’histoire de l’Estonie qui se déroule sous nos yeux. Celle d’un petit pays qui fut balloté entre la Suède, l’indépendance, gagnée puis reperdue, pour finir placée sous le joug de fer de l’URSS Stalinienne. Un pays trop pauvre pour intéresser l’Ouest encore maintenant qu’elle a retrouvé son indépendance. Un pays dévasté par les déportations en Sibérie aux fins de mater toute velléité de faire séparation. Un pays tyrannisé par les milices tchékistes, sacrifié systématiquement au profit de Moscou.

Un pays où chacun manipula l’autre pendant longtemps comme nous finirons par le comprendre dans les ultimes pages de ce roman qui nous entraîne sur tout un vingtième siècle de fureur et de folie, de violence faite à ses habitants et à ses femmes. Difficile d’en sortir indemne comme nous le montre l’histoire croisée d’Aliide et de Zara, témoins et victimes malgré elles.

Un livre choc, à lire absolument.

Publié aux Editions La Cosmopolite Stock – 2010 – 400 pages