Heureuse découverte que ce roman de bonne facture, à
mi-chemin entre le roman historique et la saga familiale. On prend un plaisir
évident à se laisser guider par l’auteur dans le flot d’évènements qui
conduiront la colonie portugaise qu’est le Brésil du début du XIXème siècle au
statut de royaume avant que de conquérir son indépendance.
La réussite du roman tient en une intrigue solide,
originale, adossée à de solides références historiques (on sent que l’auteur a
bien étudié et, surtout, intégré ce qui va servir de trame historique et
narrative), servie par une écriture relativement simple mais limpide et souvent
chantante. Le tout mettant en scène des personnages aux faiblesses profondément
humaines, handicapés par leurs préjugés de classe ou de race, jouets des
soubresauts de l’Histoire.
Pourtant, l’auteur ose faire le pari d’un thème délicat qui
aurait pu le conduire dans l’enlisement ou le bas-fossé. Il n’en sera rien, le
romancier sachant faire preuve d’une grande maîtrise pour conserver son fil
conducteur tout en lançant de multiples développements sans avoir recours à
d’improbables rebondissements, ce qui constitue souvent la limite du genre.
Le roman débute au Portugal , en 1807, au moment où les
troupes napoléoniennes ravagent le Portugal, défont une armée en déroute et
sont au point d’entrer dans la capitale. Le capitaine Alfonso Rymar, héritier
d’un nom glorieux au service du royaume, se morfond chez lui, tenu en marge des
combats en réserve d’une mission qu’il ne va pas tarder à apprendre.
Le régent, Dom Juao, et sa cour sont sur le point de fuir
vers le Brésil par bateaux, sous la protection de l’armée anglaise. Le régent
et sa famille étant férus de musique, il appartiendra au Capitaine Rymar de
s’occuper du convoyage des clavecins, épinettes et autres piano-forte
soigneusement embarqués dans un navire réservé à cet effet.
Arrivés au Brésil, le militaire qui ne rêve que de combats
et qui y a laissé une jambe, verra ses multiples requêtes rejetées et sera
nommé au poste de responsable des instruments de la Cour. Alors qu’il déteste
la musique, et grâce à l’aide son aide de camp, menuisier à ses temps perdus,
il va devoir mettre en place un atelier local de réparation des instruments
royaux auxquels le climat tropical ne convient pas. Un atelier qui deviendra
fameux et ouvrira le Brésil aux techniques musicales les plus en pointe.
Commencera une nouvelle vie pour Rymar, une vie
d’acclimatation à un pays qu’il méprise, de composition avec les multiples
métissages et un esclavage omniprésent. Une vie aussi bousculée par les
multiples développements sur le continent européen et qui vont, peu à peu,
pousser le Brésil à jouer un rôle régional majeur et à s’émanciper de plus en
plus du Portugal.
C’est à cet enracinement forcé de Rymar, dans un pays qu’il
n’aime pas, resté fidèle à un Portugal qui ne l’en récompense pas, sommé de se
marier à une métisse qu’il apprendra à aimer, apprenant maladroitement un rôle
de père, cherchant à se projeter en ses enfants qui rêvent d’autre chose que
lui, confiné aux responsabilités et à un métier qu’il abhorre, montant en grade
sans combattre que nous allons assister avec une certaine passion.
C’est cette dualité permanente entre la psychologie un peu
frustre d’un homme profondément intègre, incapable de comprendre ce qui lui
arrive, forcé de supporter une vie dont il ne rêvait pas et la montée en
puissance d’un pays lui-même en proie à des conflits ouverts avec le Portugal,
objet de sporadiques soulèvements dans ses provinces les plus reculées, au bord
du basculement dans la modernité qui fait l’indéniable force de ce très joli
roman. Au final, c’est la vie elle-même de la cellule familiale de Rymar qui
suivra les développements violents du pays qui est le sien.
Nous regretterons tout juste une fin que nous trouvons, pour
notre part, un peu bâclée mais qui ouvre la porte à d’ultérieurs
développements.
Publié aux Editions Gallimard – 2009 – 340 pages