« Silo »
fut un évènement littéraire aux Etats-Unis. D’abord imaginé sous la forme d’une
courte nouvelle, il est auto-publié sur Amazon en format numérique et vendu à
99 cents. Le bouche-à-oreille aidant, le tapuscrit fait un tabac et les
lecteurs réclament à corps et à cris une suite. Il y en aura quatre qui donnent
lieu à un roman dont les droits ont été rachetés par l’une des plus
prestigieuses sociétés d’édition américaine et qui se vendra à 500.000 exemplaires !
C’est également désormais le premier tome d’une trilogie disponible dans la
nouvelle collection de SF « exofiction » d’Actes Sud.
Pourquoi ce livre
d’anticipation a-t-il connu un tel succès ? A cela, un ensemble de
réponses qui en fait son originalité et son intérêt au point qu’il pourrait
devenir un roman culte d’une nouvelle branche du genre !
Tout d’abord,
parce qu’il joue sur nos peurs dans un monde que l’on sent bien au bord du
gouffre écologique, soumis à des changements climatiques, sociaux, économiques
et politiques qui le font craquer de toutes parts sans que l’on sache vraiment
ce qui en résultera. Cette incertitude est, du coup, pour beaucoup d’entre nous
source d’inquiétude : ne serions-nous pas à la veille d’une apocalypse
multifactorielle ? Hugh Howey nous apporte sa réponse.
Dans un futur
indécis et plus ou moins proche, il imagine une terre seulement peuplée de
quelques milliers d’individus, uniques survivants d’un cataclysme dont nous
ignorons tout. La conséquence en est que l’air y est devenu toxiquement mortel,
rendant la vie seulement possible au sein d’un silo.
C’est à l’intérieur
de ce microcosme qu’il faut ensuite chercher les raisons du succès littéraire. L’auteur
en fait une réduction parabolique de notre monde, une sorte de fourmilière
humaine en réduction dont l’observation distante devient ainsi possible,
mettant le doigt sur nos travers et ce qui cause cataclysmes et révolutions en
séries.
Tissant une
intrigue solide (même si le rythme parfois s’étiole un peu), nous nous mettons
à vivre au rythme d’un monde codé, rappelant parfois étrangement, mais en plus
horrible, le nôtre. Au sein du silo, tout est normé. L’immense tour est
traversée verticalement par un gigantesque escalier de 144 étages. Il faut plusieurs
jours pour le gravir, tout ascenseur en est absent car la société y est dûment
stratifiée. Tout en haut, les dignitaires. Au centre, le « DIT »,
centre névralgique informatique et technique qui contrôle tout, espace
hypersécurisé, secret et obscur. Tout en bas, les mineurs et les mécaniciens
qui font tourner les machines, produisent l’énergie indispensable au maintien
de la vie. Les naissances sont partout contrôlées, les pensées encadrées, les
communications restreintes, les fonctions hiérarchisées afin de rendre la vie
en commun possible à quel que prix que ce soit. C’est sous uneliberté toute
relative qu’il reste possible de vivre.
Alors, bien sûr,
il existe des déviants, des humains restant capables de penser par eux-mêmes,
désireux de vouloir sortir pour vérifier que le monde extérieur est conforme à
ce que les écrans informatiques en retransmettent. Traqués en permanence, ils
sont arrêtés sans délai par un shérif, jugés sans procès et expédiés à l’extérieur
au cours d’une procédure bien rôdée et dantesque qui les vouent à une mort assurée
et atroce après avoir été obligés à nettoyer les capteurs rendant l’observation
extérieure possible, comme une ultime manière de rappeler que nul ne peut
échapper au contrôle du silo.
La vie en société
étant soumise à des tensions permanentes, enjeux de pouvoir, de désir, objet de
spéculations diverses, tout ce microcosme risque en permanence d’imploser. Avec
méticulosité, Hugh Howey démonte les rouages qui ne peuvent que conduire à l’explosion
qui sera d’autant plus violente que la vérité sur le monde sera progressivement
révélée.
Au total, c’est
cette combinaison de critique sociale et politique, d’anticipation, de thriller
et de western qui font de cet ouvrage un objet littéraire unique, non exempt de
défauts, mais à lire absolument. On attend la suite avec impatience !
h
Publié aux
Editions Actes Sud – 2013 – 558 pages