Après la découverte de « Cour Nord », son dernier
roman publié et que nous avions apprécié sur Cetalir, il me tardait
d’approfondir la rencontre avec A. Choplin.
« Radeau », publié six ans auparavant, est un
roman attachant. Il emprunte, comme « Cour Nord », une voie
stylistique qui repose fondamentalement sur une écriture dépouillée, des
phrases de structure simple et qui disent l’essentiel tout en laissant la place
permanente à l’implicite des sentiments, rarement franchement exprimés. Choplin
est un peu comme ses livres et ses personnages : un taiseux. Le format du
roman est court, une fois encore, l’histoire simple. C’est dans la condensation
du temps et des scènes que Choplin aime à s’exprimer.
Le roman est composé de trois tableaux de longueur
éminemment variable. Il commence en été 1940. Louis est sur les routes de
France, au-delà de la Loire. Il y conduit un camion dans lequel se trouvent
quelques chefs-d’œuvre des peintures du Louvre qu’il faut mettre à l’abri de
l’ennemi qui progresse. Malgré les consignes de ne pas s’arrêter, de ne rien
dire, Louis, spécialiste d’art contemporain et qui n’a rien, a priori, d’un
homme d’action, va faire monter dans la cabine une étrange et silencieuse jeune
femme qui marche nus pieds sous la pluie en pleine nuit.
En peu de phrases échangées, par la simple tension des
regards, par quelques gestes simples et essentiels, la passion entre Louis
et Sarah est dite et une histoire
d’amour s’est installée sur fond de guerre et de fuite. Elle vaut tous les
risques du monde.
Le deuxième tableau se situe en 1943. Il démarre de nuit sur
une scène de guet-apens tendu par la résistance à deux véhicules allemands. Les
coups de feu claquent, les hommes meurent de part et d’autre parce qu’il n’y a
pas d’autre choix possible. Nous retrouvons Louis au volant d’un des véhicules
des résistants qui ramènent vivants, morts et blessés vers un château isolé.
Nous y découvrons que c’est la cache dans laquelle quelques employés des musées
nationaux devenus hommes de guerre par la force des choses dissimulent des
trésors du Louvre. Nous y retrouvons aussi Sarah et son fils Antoine qui, avec
Louis, forment une famille qui s’aime. Choplin imagine alors une féérique scène
le jour des trois ans du gamin où ces hommes vont étaler dans un champ fauché
de frais les magnifiques toiles enfermées dans des coffres, pour les aérer et
les admirer. Scène qui est aussi un superbe prétexte à d’intéressantes
considérations sur la place immanente de l’art quelles que soient les
circonstances humaines.
Le livre s’achève sur un court tableau où, en deux pages et
demi d’une intensité remarquable, le drame que l’on percevait en filigrane se
noue dans un paysage de neige et de glace en cette fin du seconde guerre
mondiale.
Tout est dit dans ce très beau livre : l’amour qui peut
éclore partout et en n’importe quelles circonstances, l’art qui traverse le
temps, l’engagement au risque de sa propre vie, le basculement des destinées
humaines jouets des soubresauts qui agitent le monde.
Publié aux Editions La Fosse aux ours – 2003 – 135 pages