1.12.15

Les Prépondérants – Hédi Kaddour




Nominé pour le Goncourt (qui finalement lui échappa), le dernier roman d’Hédi Kaddour n’en avait pas moins raflé deux prix littéraires auparavant : le Prix Jean-Freustié ainsi que le plus prestigieux Prix de l’Académie Française, ex-aequo avec 2084 de Boualem Sansal. Autant dire que l’on est en droit de s’attendre à un grand roman par celui qui avait ébloui – et remporté le Prix Goncourt du premier roman il y a une dizaine d’années – avec Waltenberg.

C’est en lisant des articles de journaux de l’époque que l’auteur a trouvé l’inspiration de son roman. En effet, dans les années vingt, il était fréquent que des équipes de cinéastes venus tout droit d’Hollywood viennent tourner les scènes de leurs films au Maghreb mettant en scène des épopées et des romances moyen-orientales alors en vogue. Il faut dire qu’à l’époque, ceux qui venaient-là étaient aussi bilingues et parlaient un français impeccable.

Un français qui est la langue des colons. Des colons qui se sont évidemment accaparés les terres les meilleures, qui occupent tous les postes de pouvoir, exploitent sans trop de scrupules la main-d’œuvre locale et mènent une vie un peu artificielle et la plupart du temps prisonnière de son propre enclos. Ce sont « Les Prépondérants », une infime minorité d’occidentaux qui règnent sans vergogne sur des millions de musulmans pour la plupart maintenus à l’écart ou en marge. Incapables de voir que le monde change, que le temps devient compté, que des mécaniques irrésistibles sont en marche pour les bouter hors d’un confort inouï.

Dans une ville imaginaire de l’un de ces anciens protectorats français, l’ordre établi ou son apparence  va se trouver fortement troublé par l’arrivée d’une troupe d’acteurs et de cinéastes venus se mêler à la population locale. Or, les mœurs et coutumes américaines vont remettre en question bien des habitudes tant des Prépondérants que des populations vernaculaires provoquant rejet, envie, admiration et assimilation.

A partir de cette trame, Hédi Kaddour nous entraîne dans une grande fresque romanesque qui nous portera des deux côtés des rives de la Méditerranée. Une fresque où une myriade de personnages intervient et se débat dans d’impossibles histoires d’amour, dans des luttes de classe plus ou moins souterraines, dans des intrigues politiques ou personnelles plus ou moins sordides, mais surtout, dans un monde en pleine transformation et qui voit le nazisme monter du côté de Berlin tandis que le Président Wilson prône l’autodétermination des peuples et que le communisme pousse les exclus à se rassembler avant que de se rebeller.

Tout cela est épique, virevoltant, écrit avec une maîtrise et un style qui forcent l’admiration. Pourtant, j’avoue être resté absolument en-dehors de ce roman de bout en bout au point de m’y ennuyer. Sans doute parce que la profusion des personnages, la diversité des lieux, la variété des thématiques font que l’attention se disperse et que, pendant que de formidables thèmes sont abordés, aucun n’est véritablement traité en profondeur. On ne cesse de se promener entre un roman passionnel, une fresque historique, un roman social dans une histoire à laquelle on a bien du mal à s’identifier.

Ce roman trouvera certainement son public mais ne m’a simplement pas touché. Dommage…

Publié aux Editions Gallimard – 2015 – 464 pages