Nominé pour le
Goncourt (qui finalement lui échappa), le dernier roman d’Hédi Kaddour n’en
avait pas moins raflé deux prix littéraires auparavant : le Prix
Jean-Freustié ainsi que le plus prestigieux Prix de l’Académie Française,
ex-aequo avec 2084 de Boualem Sansal. Autant dire que l’on est en droit de
s’attendre à un grand roman par celui qui avait ébloui – et remporté le Prix
Goncourt du premier roman il y a une dizaine d’années – avec Waltenberg.
C’est en lisant
des articles de journaux de l’époque que l’auteur a trouvé l’inspiration de son
roman. En effet, dans les années vingt, il était fréquent que des équipes de
cinéastes venus tout droit d’Hollywood viennent tourner les scènes de leurs
films au Maghreb mettant en scène des épopées et des romances moyen-orientales
alors en vogue. Il faut dire qu’à l’époque, ceux qui venaient-là étaient aussi
bilingues et parlaient un français impeccable.
Un français qui
est la langue des colons. Des colons qui se sont évidemment accaparés les
terres les meilleures, qui occupent tous les postes de pouvoir, exploitent sans
trop de scrupules la main-d’œuvre locale et mènent une vie un peu artificielle
et la plupart du temps prisonnière de son propre enclos. Ce sont « Les
Prépondérants », une infime minorité d’occidentaux qui règnent sans
vergogne sur des millions de musulmans pour la plupart maintenus à l’écart ou
en marge. Incapables de voir que le monde change, que le temps devient compté,
que des mécaniques irrésistibles sont en marche pour les bouter hors d’un
confort inouï.
Dans une ville
imaginaire de l’un de ces anciens protectorats français, l’ordre établi ou son
apparence va se trouver fortement
troublé par l’arrivée d’une troupe d’acteurs et de cinéastes venus se mêler à
la population locale. Or, les mœurs et coutumes américaines vont remettre en
question bien des habitudes tant des Prépondérants que des populations
vernaculaires provoquant rejet, envie, admiration et assimilation.
A partir de cette
trame, Hédi Kaddour nous entraîne dans une grande fresque romanesque qui nous
portera des deux côtés des rives de la Méditerranée. Une fresque où une myriade
de personnages intervient et se débat dans d’impossibles histoires d’amour, dans
des luttes de classe plus ou moins souterraines, dans des intrigues politiques
ou personnelles plus ou moins sordides, mais surtout, dans un monde en pleine
transformation et qui voit le nazisme monter du côté de Berlin tandis que le
Président Wilson prône l’autodétermination des peuples et que le communisme
pousse les exclus à se rassembler avant que de se rebeller.
Tout cela est
épique, virevoltant, écrit avec une maîtrise et un style qui forcent
l’admiration. Pourtant, j’avoue être resté absolument en-dehors de ce roman de
bout en bout au point de m’y ennuyer. Sans doute parce que la profusion des
personnages, la diversité des lieux, la variété des thématiques font que
l’attention se disperse et que, pendant que de formidables thèmes sont abordés,
aucun n’est véritablement traité en profondeur. On ne cesse de se promener
entre un roman passionnel, une fresque historique, un roman social dans une
histoire à laquelle on a bien du mal à s’identifier.
Ce roman trouvera
certainement son public mais ne m’a simplement pas touché. Dommage…
Publié aux
Editions Gallimard – 2015 – 464 pages