Née en 1961, Amy Homes
poursuit une carrière de journaliste, de scénariste pour la télé et le cinéma
et de romancière avec des livres originaux et qui l’ont fait remarquer.
Il n’est rien de dire que
« Puissions-nous être pardonnés » marque une étape majeure et forme
une sorte de consécration quant à l’entrée de son auteur dans le gotha
littéraire américain de ce début de siècle. Avant que de devenir un roman,
« Puissions-nous être pardonnés » fut une nouvelle remarquée
d’ailleurs par Salman Rushdie qui la sélectionna comme l’une des meilleures
nouvelles dont il publia un recueil en 2007. Autant dire que l’idée était bien
née, porteuse d’espérance.
Et cette espérance n’aura
pas été déçue tant Amy Homes déroule avec un talent remarquable une histoire
savoureuse menée tambour battant nous projetant au cœur-même de la société
bourgeoise américaine dont elle va dénoncer avec un mélange explosif d’humour
et de gentille férocité (si j’ose cette oxymore) les travers.
Très vite, dans un roman
qui comporte pourtant près de six cents pages qui jamais ne se relâchent, Amy
Homes met en place les fondements d’une histoire explosive bien que pas si
improbable que cela. En moins de vingt-cinq pages, nous aurons assisté à un
accident de la route mortel provoqué par George, un producteur TV plus ou moins
psychopathe, avant que celui-ci n’assassine sa femme en lui défonçant le crâne
à coups de la lampe de chevet après qu’il l’eut trouvée au lit avec son frère
Harold.
Une fois George placé en
hôpital psychiatrique, Harold justement largué par son épouse avec laquelle il
ne s’entendait plus, voit sa vie bouleversée. Modeste Professeur d’une obscure
Université américaine et spécialiste de Nixon sur lequel il tente en vain
depuis des années de mener à bien un livre qui ferait date, le voici en charge
de deux enfants adolescents, d’un chien et d’une chatte au sein d’une maison
qui n’est pas la sienne et source de bien des malheurs.
Dès lors, l’auteur va multiplier
les séquences irrésistibles devenant autant de prétextes pour souligner les
incohérences du système judiciaire américain, les limites d’un système de santé
plus gouverné par la recherche du profit et le besoin de publier des médecins
que par le soin réel de ses patients, l’adultère institutionnalisé rendu
possible par les sites de rencontre en ligne, l’élitisme du système éducatif et
sa sélection par l’argent, l’illusion du système politique…
Tout ceci pourrait être
convenu sans l’imagination débridée d’Amy Homes, par ailleurs professeur de « creative
writing » à Princeton. Une créativité d’ailleurs incroyable et qui donne
lieu à de sérieuses crises de rigolade au fur et à mesure que les scènes
s’enchaînent. Mais l’auteur n’oublie jamais non plus de donner de la profondeur
psychologique à son roman montrant, au-delà de l’humour et du sarcasme, comment
un homme paumé et un brin méprisable, Harold, va devenir quelqu’un de bien au
fur et à mesure qu’il se défait de ses démons et apprend à assumer des responsabilités
toujours fuies jusqu’ici. Un Happy End à l’américaine me direz-vous. Certes,
mais cela n’enlève rien au plaisir éprouvé à la lecture de ce roman percutant
et original, mené pied au plancher et donnant le pouvoir à une imagination au
service d’une histoire, d’un sens et d’une certaine morale. Bref, un cocktail
typique de ce qui fait la conscience et la culture américaine avec sa force et
ses limites.
Publié aux Editions Actes
Sud – 2015 – 586 pages