9.1.16

Puissions-nous être pardonnés – Amy Homes


Née en 1961, Amy Homes poursuit une carrière de journaliste, de scénariste pour la télé et le cinéma et de romancière avec des livres originaux et qui l’ont fait remarquer.

Il n’est rien de dire que « Puissions-nous être pardonnés » marque une étape majeure et forme une sorte de consécration quant à l’entrée de son auteur dans le gotha littéraire américain de ce début de siècle. Avant que de devenir un roman, « Puissions-nous être pardonnés » fut une nouvelle remarquée d’ailleurs par Salman Rushdie qui la sélectionna comme l’une des meilleures nouvelles dont il publia un recueil en 2007. Autant dire que l’idée était bien née, porteuse d’espérance.

Et cette espérance n’aura pas été déçue tant Amy Homes déroule avec un talent remarquable une histoire savoureuse menée tambour battant nous projetant au cœur-même de la société bourgeoise américaine dont elle va dénoncer avec un mélange explosif d’humour et de gentille férocité (si j’ose cette oxymore) les travers.

Très vite, dans un roman qui comporte pourtant près de six cents pages qui jamais ne se relâchent, Amy Homes met en place les fondements d’une histoire explosive bien que pas si improbable que cela. En moins de vingt-cinq pages, nous aurons assisté à un accident de la route mortel provoqué par George, un producteur TV plus ou moins psychopathe, avant que celui-ci n’assassine sa femme en lui défonçant le crâne à coups de la lampe de chevet après qu’il l’eut trouvée au lit avec son frère Harold.
Une fois George placé en hôpital psychiatrique, Harold justement largué par son épouse avec laquelle il ne s’entendait plus, voit sa vie bouleversée. Modeste Professeur d’une obscure Université américaine et spécialiste de Nixon sur lequel il tente en vain depuis des années de mener à bien un livre qui ferait date, le voici en charge de deux enfants adolescents, d’un chien et d’une chatte au sein d’une maison qui n’est pas la sienne et source de bien des malheurs.

Dès lors, l’auteur va multiplier les séquences irrésistibles devenant autant de prétextes pour souligner les incohérences du système judiciaire américain, les limites d’un système de santé plus gouverné par la recherche du profit et le besoin de publier des médecins que par le soin réel de ses patients, l’adultère institutionnalisé rendu possible par les sites de rencontre en ligne, l’élitisme du système éducatif et sa sélection par l’argent, l’illusion du système politique…

Tout ceci pourrait être convenu sans l’imagination débridée d’Amy Homes, par ailleurs professeur de « creative writing » à Princeton. Une créativité d’ailleurs incroyable et qui donne lieu à de sérieuses crises de rigolade au fur et à mesure que les scènes s’enchaînent. Mais l’auteur n’oublie jamais non plus de donner de la profondeur psychologique à son roman montrant, au-delà de l’humour et du sarcasme, comment un homme paumé et un brin méprisable, Harold, va devenir quelqu’un de bien au fur et à mesure qu’il se défait de ses démons et apprend à assumer des responsabilités toujours fuies jusqu’ici. Un Happy End à l’américaine me direz-vous. Certes, mais cela n’enlève rien au plaisir éprouvé à la lecture de ce roman percutant et original, mené pied au plancher et donnant le pouvoir à une imagination au service d’une histoire, d’un sens et d’une certaine morale. Bref, un cocktail typique de ce qui fait la conscience et la culture américaine avec sa force et ses limites.


Publié aux Editions Actes Sud – 2015 – 586 pages