Jean Echenoz est un
magicien. Magicien des mots et de la langue qu’il manie en artiste accompli, en
amoureux admirateur de la syntaxe, des infinies subtilités grammaticales et de
la façon dont les phrases sonnent et signifient selon l’ordre des mots et leur
combinaison ajustée au millimètre.
Magicien des thèmes sans cesse renouvelés,
passant du roman à l’étude historique comme ce Ravel qui a marqué mes souvenirs
de lecteur. Magicien de l’intrigue encore car il fallait avoir du culot, de
l’imagination et un sens de l’humour sans égal pour se lancer dans ce roman
d’espionnage ne mettant en scène que des pieds nickelés et autres bras cassés.
C’est un peu l’OSS 117 de Jean Dujardin en version littéraire et avec une élégance
de réalisation absolument confondante.
Il y a, en effet, de quoi
rire dans ce vaudeville truculent et improbable que nous concocte l’artiste. Un
général, ex responsable des opérations spéciales, s’amuse en effet à continuer
à monter des coups pour ne pas s’embêter ni perdre la main. Tout ceci sans en
informer qui que ce soit même si, ici, il ne s’agit pas moins que d’envoyer une
espionne séduire l’un des plus proches conseillers du dictateur nord-coréen Kim
Jong-un afin de déstabiliser le régime.
Et pour cela, il
conviendra de s’assurer les services de la belle Constance, l’épouse en cours
de divorce d’une ex-célébrité du show-biz, Tausk (anagramme phonique de son
vrai nom Coste histoire d’appuyer le trait délicieux pour les plus attentifs)
dans un plan dont nous comprendrons ensuite le côté aussi foireux que
désopilant…
Nous promenant entre les
beaux quartiers de Paris, la Creuse aussi désertique qu’ici pouilleuse et une
Corée du Nord tombée entre les mains d’une famille népotique et psychotique,
Jean Echenoz élabore une histoire dont la progression et les rebondissements ne
sont que des prétextes à une langue extraordinaire provoquant un déluge de
sourires et d’éclats de rire.
Que tout cela est
rafraîchissant et quelle bonne surprise que ce roman aussi déjanté que
truculent !
Mort à la morosité et courrez vite lire ce petit bijou !
Publié aux Editions de
Minuit – 2016 – 313 pages