Qu’est-ce-qui
explique le succès de librairie de ce premier roman écrit par un homme de
trente-cinq ans, Olivier Bourdeaut ?
D’abord, même si
ce n’est pas l’essentiel, la couverture à la fois épurée, classe et très
graphique. On y voit un couple visiblement très amoureux danser un pas de tango
plein de charme et de passion. Les protagonistes, dessinés à la manière d’une
BD, y sont beaux comme des dieux, habillés avec soin. Tout en eux exprime une
forme d’insouciance, un don de soi, le refuge dans un monde qui est le leur,
hermétique aux ennuis. Une forme de bulle (pour rester sous forme de clin d’œil
dans la BD) faite d’esprit positif. Du coup, le regard est immédiatement attiré
par une mise en scène qui se démarque des codes habituels et qui inspire une
adhésion inconsciente.
Ensuite, le titre
où les amoureux de jazz bien informés reconnaîtront la référence à l’un des
tubes de Nina Simone. Bojangles y est un pauvre hère qui, ayant tout perdu, se
voit contraint de danser accompagné au piano en sautant de plus en plus haut,
comme un fou, quasiment jusqu’à en mourir.
Or de folie,
d’amour et de mort il est essentiellement question dans ce roman qui, et c’est
sans doute là la raison essentielle de son incroyable succès, est une référence
explicite à l’Ecume des Jours de Boris Vian un brin mâtinée du Petit Prince de
Saint-Exupéry. Nous voici transportés dans un monde où tous les codes sont
brisés, où la normalité c’est d’être hors normes, où la déraison fait office de
conduite et de ligne de vie.
Enfin, c’est dans
une langue à la fois simple, beaucoup plus simple que celle de Vian d’ailleurs,
et classique, joliment travaillée, faite pour parler au plus grand nombre que
s’exprime le narrateur. Un homme désormais adulte qui nous raconte son enfance
pas comme les autres. A la maison, tout est prétexte à la fête entre un père,
devenu riche grâce au contrôle technique, désormais rentier et apprenti
écrivain et une mère dont on comprend qu’elle est totalement folle. Voici des parents
qui s’aiment à la folie, dont la seule règle est l’insouciance pourvu que la
fête soit permanente. Le courrier est jeté sans être consulté, la gym matinale
se fait plus en soulevant les verres de gin que les haltères, l’époux appelle
sa femme d’un prénom différent chaque jour, pour toute punition, l’enfant est
envoyé regarder la télévision et son compagnon de jeu est une grue de Namibie
déguisée des plus improbables accoutrements. Un monde tellement déconnecté des
conventions et tributaire de la folie maternelle que, forcément, un jour il
finit par s’écrouler.
Publié aux
Editions Finitude – 2016 – 159 pages