Son premier roman sur
l’enfance maltraitée, « Et je prendrai tout ce qu’il y a à prendre »
nous avait déjà marqué. On retrouve dans ce deuxième livre le désir de tout
dire, même l’indicible, même le pire en construisant un savant équilibre entre
l’horreur du récit et la force de l’écriture qui permet de maintenir à la juste
distance un lecteur immédiatement happé. Car Céline Lapertot, n’en doutons pas,
est une véritable femme de lettres qui connaît la valeur des mots, leur impact
en fonction de leur agencement et qui manie rythme et prosodie avec brillance
et maestria.
Nous voici plongés au
cœur de l’Afrique noire, là où la guerre civile sévit. Se faisant journaliste,
Céline Lapertot dissimule sa plume derrière une caméra où viennent témoigner
des femmes que l’on a surnommé les « Lionnes indomptables ». Celles
qui pour survivre, accepter l’inacceptable, donner un sens à ce qui en a perdu
n’ont trouvé d’autres moyens que de s’armer d’un AK47 et de s’enrôler dans une
armée certes régulière, majoritairement masculine mais baroque pour venir à
bout d’insurgés.
Elles combattent avec
détermination et courage les monstres qui ont fait basculer leurs vies. Comme
celle de Séraphine, une jeune femme calme, vivant dans un village relativement
tranquille et qui ne rêvait que de son futur mariage avec le beau gars élu de
son cœur. Jusqu’au débarquement d’une bande d’insurgés qui rasa le village,
tuant sous ses yeux son jeune frère, éventrant son père, violant sa mère avant
de l’égorger et forçant la jeune femme de toutes les façons possibles pour
l’abandonner à l’arrivée miraculeuse de l’armée régulière. Sauvée d’une mort
presque certaine grâce aux soins d’un docteur qui tente de faire ce qu’il peut
pour conserver un semblant d’humanité dans un océan de désolation, elle trouvera
en Blandine, sa voisine de chambre à l’hôpital la force de continuer de croire
et un substitut de mère à laquelle s’identifier. Blandine, la chef de guerre,
la lionne indomptable qu’elle rejoindra bientôt.
Derrière chacun des
récits qui se déroulent, se croisent et s’entremêlent se cache une question
essentielle : celle du droit à la vengeance, celle de la légitimité de
tuer pas tant pour sauver une cause dont on ne sait rien que pour effacer les
souillures intimes, inaliénables que ceux que l’on pourchasse ont posé en vous,
détruisant tout de vos valeurs comme de votre simple personne. Céline Lapertot
y apporte une réponse, celle de femmes qui dansent sous les bombes aux pas
d’une marche forcée, détruisant les hommes sur leur passage, vengeant avec le tranchant
d’une lame et à coup de fusils- mitrailleurs les outrages subis.
On ne peut que sortir
ébranlés par ce livre superbement construit, écrit avec maîtrise, dur et vrai
comme ces guerres qui nous entourent et dont nous voulons savoir le moins
possible pour ne pas déranger nos consciences.
Publié aux Editions
Viviane Hamy – 2016 – 200 pages