Peut-on assumer son passé obscur et malpropre quand on
épouse la fille d’une de ses victimes et de plus de trente ans sa
cadette ? Tel est le thème de ce roman sulfureux de Queffélec. L’auteur a
fait des histoires d’amour impossibles voire inconcevables une de ses
spécialités et nous sommes servis, si je puis dire, avec « La
Dégustation » !
Ce roman est d’ailleurs complété d’un sous-titre en forme de
dates : 1973-1974 soit près de trente ans après la fin de la deuxième guerre
mondiale. Il s’ouvre sur la scène de la réception qui couronne le mariage de
Michel Duval, la cinquantaine, propriétaire d’une superbe villa sur les
hauteurs de Nice, d’un vignoble à la renommée mondiale, d’œuvres d’art et d’une
maison d’édition spécialisée sur les deux guerres mondiales. Duval vient
d’épouser Ioura, tout juste majeure, fêtant le jour de ses noces sa majorité de
vingt-et-un ans encore à l’époque.
Pourquoi la mère de Ioura refuse-t-elle absolument de se
produire ? Pourquoi n’a-t-elle cessé de mettre en garde sa fille contre
cet homme devenu riche soudainement ? Pourquoi la présence de trois
vieillards inquiétants dont ce Zoff implicitement menaçant et qui va laisser
traîner des pièces de la Reich Bundesbank au fond de la piscine de la propriété ?
Queffélec va nous mener aux réponses en prenant un chemin de
détour. Flash-back sur cette rencontre
entre le notable Duval et la belle et fraîche Ioura. Histoire d’une séduction
autour des vins et des champagnes, Ioura se destinant à devenir œnologue, Duval
étant lui-même un nez capable de reconnaître, sans le déguster, les cépages,
châteaux et millésimes du monde entier. Flash-back entrecoupé de courts moments
où le passé trouble de Duval remonte à la surface, une situation plaisante en
rappelant une autre, la plupart du temps douloureuse.
D’indices en délations, Ioura finira par soupçonner que son
mari a beaucoup de choses à se faire pardonner jusqu’à l’amener à une
auto-confession dévastatrice pour leur couple et leur santé mentale lors d’une
dégustation sous-terraine de grands crûs soustraits aux yeux du monde. Pourquoi
cet aveu, qu’avait Michel Duval à y gagner si ce n’est, peut-être, de se
libérer d’un passé moche et de collaborateur à la solde de la Gestapo ?
Qui donc Ioura est-elle vraiment, quel rapport plus ou moins indirect elle
avait avec son mari ? Est-elle le jeu de sa rédemption ou le sujet d’un
amour véritable ?
Autant de chemins possibles du subtil labyrinthe que tisse
un Queféllec dans ses bons jours.
Publié aux Editions Fayard – 2003 et révisé en 2005 – 155
pages