7.5.17

Songe à la douceur – Clémentine Beauvais


Classé dans le rayon littérature pour adolescents, « Songe à la douceur » conviendra en fait à tout public en raison de l’universalité de son thème et de l’extrême modernité avec laquelle le texte est soigneusement composé.

S’inspirant librement d’Eugène Onéguine de Pouchkine et de l’opéra éponyme de Tchaïkovski, Clémentine Beauvais nous transporte en 2014 dans une quelconque banlieue de la région parisienne. C’est là, dans un pavillon niché au fond d’un jardin que Lensky retrouve régulièrement Olga. Ils ont tous deux dix-sept ans et découvrent ensemble les joies de l’amour. Un jour, Lensky emmènera son copain Eugène qui fera la connaissance de la sœur d’Olga, Tatiana. L’adolescente de quatorze ans qui en pince méchamment pour Eugène se fera rembarrer par celui-ci, de trois ans son aîné, déjà revenu de tout et plein de morgue, car il la trouve trop gamine pour être digne d’intérêt.

Dix ans plus tard, Tatiana rencontre Eugène par hasard dans le RER. Elle est thésarde spécialiste de Caillebotte tandis que lui se morfond comme consultant, sans gloire et sans titre. Une décennie plus tard, un nouvel amour, réciproque mais profondément entaché par deux évènements graves que nous découvrirons tente de se mettre en place.

La grande force de Clémentine Beauvais est d’oser. Oser casser les codes de l’écriture, oser mélanger les styles, oser jouer de la typographie pour exprimer les sentiments comme l’usage des émoticônes en est devenu le marqueur dans l’écriture numérique qui nous a envahis.

De façon quasiment ininterrompue, le texte est composé en vers. Des vers libres qui claquent comme le slam de Lensky mais qui abritent aussi, pour ceux qui savent les y dénicher, des alexandrins voire des rimes internes aux accents plus classiques. Tous les moyens contemporains de communication sont présents : textos, messagerie instantanée, emails… tous sont traités avec une poésie, un humour sous-jacent, un regard compatissant envers ces personnages  qui se débattent dans des états d’âme et des pulsions adolescentes bien que censés être devenus de véritables adultes qui attirent une sympathie immédiate pour une histoire qui évoquera forcément pour chaque amoureux/se que nous avons été, à un moment de nos vies, des souvenirs vivaces.

C’est un vrai petit tour de force littéraire que réussit Clémentine Beauvais qui pourrait bien poser les bases d’une écriture protéiforme alliant classicisme, poésie, humour, grande modernité et utilisation permanente du monde digital. Vous devriez adorer !


Publié aux Editions Sarbacane – 2016 – 243 pages