Voici un personnage de
roman qui aurait pu grossir les rangs indistincts des « gilets
jaunes ». Nous partons à la rencontre d’une jeune femme qui, à l’instar
d’un certain nombre des occupants de nos ronds-points, élève seule son enfant.
Arrivée à Lyon où elle suivit son compagnon qui l’a depuis larguée sans jamais
plus de donner de nouvelles, elle tente de survivre comme graphiste free-lance.
Un métier difficile quand
on s’est fait une spécialité dans l’édition papier à une époque où le numérique
devient la norme. Un métier encore plus difficile quand on débarque dans une
ville où l’on n’a pas le moindre réseau professionnel. Une tâche qui s’annonce
bientôt presqu’impossible quand on a en outre la charge seule d’un jeune
enfant, qu’on est sans grande ressource et sans aide.
Du coup, tout le temps
que cette « solo » pourrait consacrer à son espace professionnel se
voit phagocyté par un enfant colérique et insupportable. Un véritable petit
tyran qui lui fait payer l’absence de figure paternelle et sait formidablement
tirer parti du désarroi et de l’épuisement de sa mère. Car, pour travailler,
elle n’a d’autre alternative que de le faire la nuit en tentant de « tenir
jusqu’à l’aube ». Un combat à l’issue incertaine quand les difficultés
sociales, financières, juridiques sans parler des manques affectifs
s’accumulent.
Dès lors, notre mère
célibataire n’a d’autres ressources que de chercher des solutions sur le net.
Un espace dont on sait qu’il réserve le meilleur comme, surtout, le pire. Et
puis, pour respirer, la voilà qui se prend à se hasarder, chaque jour un peu
plus, dans des déambulations nocturnes à la rencontre de possibles petites ou
grandes joies capables d’illuminer un peu, un tout petit peu, une vie qui se
déchire de plus en plus.
Carole Fives signe là un
roman à la fois féministe (qui crie la difficulté des femmes seules à s’en
sortir face à l’accumulation d’épreuves à franchir et à la pression sociale) et
moderne. Moderne car il emploie une écriture simple (voire simpliste ce qui en
fait aussi sa principale faiblesse) tissant un récit fréquemment entrecoupé de
chats sur internet qui rendent bien compte de la formidable férocité et de
l’imbécilité insondable qui règne sur bien des forums où l’on est venu pourtant
chercher de l’aide.
Ceci en fait un roman
certes engagé mais trop peu construit, à mon sens, pour le rendre si ce n’est
majeur du moins distinguable.
Publié aux Editions
L’arbalète Gallimard – 2018 – 177 pages