Denis Johnson, décédé en
Mai 2017, fut considéré par des auteurs majeurs tels que Philip Roth ou Don
Delilo comme l’une des grandes figures littéraires américaines contemporaines.
Il reste cependant encore peu connu en France.
« La générosité de
la sirène », récemment publié, nous donne l’occasion de découvrir un
auteur à la verve explosive. Un écrivain qui attrape ses sujets par le col et
les secoue sans vergogne parce qu’ils sont eux-mêmes brinqueballés par une vie
qui fut loin de réserver toutes ses promesses. Dans ce recueil de cinq
nouvelles l’auteur s’intéresse exclusivement à des personnages masculins. Tous
semblent en proie à des lubies, des obsessions ou des craintes qui confinent
souvent à la folie. Surtout lorsque, pour beaucoup d’entre eux, l’usage de
psychotropes plus ou moins violents ou plus moins réguliers ne fait
qu’entretenir ce qui peut vite tourner en psychose.
Ici, c’est un
publicitaire qui connut le succès et qui vit avec terreur la perspective d’une
nouvelle récompense. Là, un prisonnier dont l’abus de LSD lui laisse entrevoir
son salut en correspondant avec le diable. Là encore, un poète brillant et
reconnu qui va se brûler les ailes en raison de son obsession paranoïaque à
démontrer un complot sur la mort d’Elvis Presley. Tous déambulent dans une vie
qui semble avoir perdu tout sens de la réalité pour disparaître dans une sorte
de flottement indistinct que la langue sans concession de Denis Johnson sait
rendre sans trop se soucier de balloter à son tour un lecteur fortement secoué.
Il y a là une force, une
originalité, une certaine virilité aussi qui, c’est certain, ne plaira pas à
tous les lecteurs. Il n’en reste pas moins que Denis Johnson mérite de sortir
du relatif confinement où on le tient par chez nous.
Publié aux Editions
Christian Bourgeois – 2018 – 219 pages