Deux hommes, deux destins, une tragédie humaine. C’est ainsi
que l’on pourrait résumer le dernier roman d’Atiq Rahimi. Un roman qui nous
place en plein cœur des troubles et des dilemmes qu’engendrent le refoulement,
les frustrations et la folie des hommes.
En ce même matin, à des milliers de kilomètres de distance,
deux hommes se réveillent. A Paris, Tom prend la route sous la pluie pour se
rendre à Amsterdam. Afghan d’origine, naturalisé Français, il refuse de parler
une langue que les Talibans ont salie. C’est pourtant dans sa langue natale
qu’il va écrire une lettre à son épouse de plusieurs décennies pour lui
annoncer qu’il la quitte pour rejoindre une jeune femme dans la capitale
néerlandaise.
A Kaboul, Yûsef éprouve les plus grandes difficultés à
quitter sa couche pour alimenter en eau, puisée d’une source difficile d’accès,
une ville aussi assoiffée que glaciale. Une tâche d’autant plus difficile qu’il
est inconsciemment amoureux de sa belle-sœur laissée seule et sans nouvelle
depuis longtemps maintenant par son frère et sur laquelle la loi islamique lui
accorde tous les droits. Des droits qu’il n’ose exercer, lui qui n’a jamais
connu de femme et qui vit dans la crainte de ses pulsions. Dehors, les dangers
sont permanents et se manifestent par la menace fréquemment mise à exécution de
coups de fouet assénés sans merci par des talibans uniquement préoccupés à
faire régner une terreur absolue au prétexte de la nécessité de prier sans
relâche.
Or, ce même 11 mars 2001, les talibans vont mettre d’autres
menaces longtemps proférées à exécution : pour la plus grande stupéfaction
et révolte du monde, ils vont faire sauter à la dynamite les gigantesques
statues de bouddha de Bâmiyân. Un acte hautement symbolique qui, par ricochets
indirects, va aussi pousser Tom et Yûsef vers leur propre destin.
Car c’est par la violence et l’affrontement de ses propres
démons que pourra survenir une forme de libération dans un monde où le moindre
interstice de liberté fait l’objet d’une répression externe, sociétale ou
interne, psychologique.
En alternant les chapitres, Atiq Rahimi nous emmène sur les
traces de ces deux histoires tragiques. Deux récits aux confins des deux
cultures qui habitent leur auteur et des deux langues qu’il maîtrise à la
perfection. Deux récits d’une poésie ineffable tandis que le monde semble
sombrer, sans perspective de rachat.
Publié aux Editions POL – 2019 – 285 pages