Dans le vocabulaire codé
des copines de Géralde, une superbe trentenaire d’origine camerounaise, bien
éduquée et à la tête bien faite, il n’y a que deux catégories d’hommes. Les
« Jimmy », ces gars dont on va faire ses amants pour un soir,
quelques jours ou, au mieux, quelques semaines mais que l’on va ensuite lâcher
parce que trop centrés sur eux-mêmes, pas assez intelligents, incapables d’être
à l’écoute de la femme du moment. Et puis les « Jim », rares au point
d’être quasiment introuvables. Des princes charmants, ouverts, intelligents,
tournés vers leur compagne.
Lassée de n’avoir connu
jusqu’ici que des Jimmy minables dont la fréquentation ne finit par induire que
dégoût et dévalorisation de soi, Géralde plaque tout pour filer en
Nouvelle-Zélande où elle part retrouver Pierce, un beau mec blond aux yeux
clairs, cool, rencontré à Paris. L’archétype de l’homme idéal pour elle. Une
fois sur place, l’idylle tournera très vite au fiasco. Mais étant donné qu’un
homme peut en dissimuler un autre comme un train en cache un autre, c’est le
coup de foudre massue qui va s’abattre sur les épaules de Géralde lorsqu’elle
fera la connaissance d’un conférencier sensiblement plus âgé qu’elle. Un type
surdiplômé, brillant qui fréquente régulièrement les plateaux de télévision et
que l’on interviewe sur ses recherches et les savants documents filmés qu’il
réalise partout dans le monde. Un homme au charme fou qui n’hésite pas à
déclarer sa flamme pour cette jeune femme sans perdre de temps.
A partir de cette
histoire qui pourrait être banale, Nicolas Fargues élabore un récit envoûtant
et d’autant plus étonnant qu’il sait rendre compte à la perfection de la
psychologie amoureuse féminine, des pièges et des travers qu’elle peut réserver
face à certains mâles ayant une approche susceptible de réserver de graves
désillusions. Avec un sens aigu de la formule et en faisant sien le vocabulaire
inventé par les trentenaires actuels, il nous rend compte des travers et des
pièges à vouloir vivre en permanence sa vie sur plusieurs plans parmi lesquels
le monde virtuel, numérique des media sociaux joue un rôle de plus en plus
essentiel. Il dresse également un vibrant tableau de ce fonds de racisme ou de
discrimination jamais totalement évacué entre Blancs et Noirs où de petits
gestes et propos malheureux finissent par trahir le véritable regard porté sur
soi quand on est une femme Noire, belle, attirante et intelligente.
Ecrit en résidence en
Nouvelle –Zélande, ce roman est aussi un mini-guide mettant en avant les
sublimes paysages d’un petit pays protégé des hordes par sa localisation et qui
a su préserver à la nature, à son éco-système une place absolument centrale
traduisant l’essence même de l’art de vivre local.
Nicolas Fargues signe ici
un formidable roman et l’un de ses tout meilleurs !
Publié aux Editions POL –
2018 – 263 pages