17.5.19

Je ne suis pas une héroïne – Nicolas Fargues


Dans le vocabulaire codé des copines de Géralde, une superbe trentenaire d’origine camerounaise, bien éduquée et à la tête bien faite, il n’y a que deux catégories d’hommes. Les « Jimmy », ces gars dont on va faire ses amants pour un soir, quelques jours ou, au mieux, quelques semaines mais que l’on va ensuite lâcher parce que trop centrés sur eux-mêmes, pas assez intelligents, incapables d’être à l’écoute de la femme du moment. Et puis les « Jim », rares au point d’être quasiment introuvables. Des princes charmants, ouverts, intelligents, tournés vers leur compagne.
Lassée de n’avoir connu jusqu’ici que des Jimmy minables dont la fréquentation ne finit par induire que dégoût et dévalorisation de soi, Géralde plaque tout pour filer en Nouvelle-Zélande où elle part retrouver Pierce, un beau mec blond aux yeux clairs, cool, rencontré à Paris. L’archétype de l’homme idéal pour elle. Une fois sur place, l’idylle tournera très vite au fiasco. Mais étant donné qu’un homme peut en dissimuler un autre comme un train en cache un autre, c’est le coup de foudre massue qui va s’abattre sur les épaules de Géralde lorsqu’elle fera la connaissance d’un conférencier sensiblement plus âgé qu’elle. Un type surdiplômé, brillant qui fréquente régulièrement les plateaux de télévision et que l’on interviewe sur ses recherches et les savants documents filmés qu’il réalise partout dans le monde. Un homme au charme fou qui n’hésite pas à déclarer sa flamme pour cette jeune femme sans perdre de temps.
A partir de cette histoire qui pourrait être banale, Nicolas Fargues élabore un récit envoûtant et d’autant plus étonnant qu’il sait rendre compte à la perfection de la psychologie amoureuse féminine, des pièges et des travers qu’elle peut réserver face à certains mâles ayant une approche susceptible de réserver de graves désillusions. Avec un sens aigu de la formule et en faisant sien le vocabulaire inventé par les trentenaires actuels, il nous rend compte des travers et des pièges à vouloir vivre en permanence sa vie sur plusieurs plans parmi lesquels le monde virtuel, numérique des media sociaux joue un rôle de plus en plus essentiel. Il dresse également un vibrant tableau de ce fonds de racisme ou de discrimination jamais totalement évacué entre Blancs et Noirs où de petits gestes et propos malheureux finissent par trahir le véritable regard porté sur soi quand on est une femme Noire, belle, attirante et intelligente.
Ecrit en résidence en Nouvelle –Zélande, ce roman est aussi un mini-guide mettant en avant les sublimes paysages d’un petit pays protégé des hordes par sa localisation et qui a su préserver à la nature, à son éco-système une place absolument centrale traduisant l’essence même de l’art de vivre local.
Nicolas Fargues signe ici un formidable roman et l’un de ses tout meilleurs !
Publié aux Editions POL – 2018 – 263 pages