Paru initialement
en 1975, Ecotopia a fait récemment l’objet d’une nouvelle traduction pour être
republié en Français à la rentrée d’automne 2018. Près de cinquante plus tard,
cette première utopie écologiste qui fut vendue à plus d’un million
d’exemplaires et eut une influence considérable sur la pensée écologiste
nord-américaine reste d’une brûlante actualité.
Ernest Callenbach
situe son récit à la toute fin du siècle précédent. La Californie du Nord,
l’Oregon et l’Etat de Washington ont alors décidé depuis quelques décennies de
faire sécession des Etats-Unis d’Amérique pour fonder un nouvel Etat
indépendant, Ecotopia. Convaincues que la politique états-unienne de croissance
à tout prix ne pouvait mener qu’à une catastrophe écologique d’ores et déjà
annoncée par la multiplication de désastres, ces populations ont pris les armes
et obtenu de fonder une nouvelle nation qui met au centre de ses valeurs la
protection de la nature et un mode de vie « à l’équilibre »,
c’est-à-dire une approche et des comportements où tout ce qui est utilisé est
d’une manière ou d’une autre recyclé. Sont bannis les moteurs thermiques et de
façon générale toutes les activités polluantes. En parallèle, la population a
mis au point un système social et politique éminemment démocratique et très libre dans un esprit très inspiré des
grands mouvements hippies des années soixante.
Alors que les
relations diplomatiques entre les Etats-Unis et Ecotopia sont rompues, un
journaliste de New-York obtient l’autorisation exceptionnelle de se rendre sur
place pour un séjour de plusieurs semaines afin de rendre compte de ce qui se
passe là-bas.
Arrivé fort de
ses convictions et des a priori que la pensée officielle de son gouvernement a
ancrées en lui, l’homme s’attend à trouver un pays arriéré, pauvre, au bord de
l’implosion. Au fur et à mesure que se font ses découvertes des divers aspects
de la société d’Ecotopia, le jugement du journaliste ne cesse d’évoluer
trouvant de plus en plus d’intérêt et d’avantages à une approche qui se situe
pourtant aux antipodes du mode de vie qui lui est habituel. Mais, c’est la
rencontre avec une femme et une histoire d’amour intense qui finiront par faire
vaciller ses convictions et par lui ouvrir les yeux sur beaucoup d’aspects des
choses restées cachées de l’autre côté de la frontière.
Malgré son aspect
un peu naïf parfois émanant d’une atmosphère encore enfumée par les émanations
du mouvement « Peace and Love », le roman d’Ernest Callenbach explore
de façon réaliste et approfondie de nombreuses approches alternatives aux modes
de vie et de fonctionnement auxquels nous sommes habitués. Au moment où le
changement climatique, malgré les dénégations de certains, est avéré et où le
populisme dans des pays de plus en plus nombreux ne va faire qu’accélérer des
catastrophes sociales et écologiques annoncées, la lecture d’Ecotopia prend un
sens réactualisé et nous invite à nous poser la question de ce que nous pouvons
changer, individuellement ou collectivement, pour prendre une nouvelle
direction avant que notre planète ne nous l’impose avec une brutalité contre
laquelle nous ne pourrons rien. L’optimisme de l’auteur est un baume sur le
cœur de celles et ceux qui sont convaincus que le monde tel que nous le
connaissons n’en a plus pour très longtemps…
Publié aux
Editions rue de l’Echiquier fiction – 2018 – 300 pages