Il m’aura fallu attendre d’avoir presque cinquante ans pour découvrir Françoise Sagan que, malgré ma boulimie de lecture, je n’avais jamais encore abordée ! Ce superbe recueil de dix-neuf nouvelles m’a totalement comblé et donné l’envie de vite réparer cet injuste oubli. Vous voilà prévenus.
Françoise Sagan avait un redoutable talent pour dissimuler derrière une écriture d’apparence facile et gracile une redoutable férocité pour le monde qu’elle fréquentait et les largesses dont elle abusait.
« Des yeux de soie » nous projette dans un univers où l’argent semble donner tous les droits en aplanissant les difficultés quotidiennes. Mais un monde dont la loyauté s’absente aux détours d’un regard, d’un geste, d’une parole qui font brutalement basculer une vie et entrainent dans les affres de l’adultère ou de la compromission.
Alternativement, maris et épouses se retrouvent confrontés ici à ce qu’ils n’osaient envisager. Alors de redoutables vengeances qui, souvent n’iront pas au bout, s’ourdissent. Mais aussi et surtout la résignation, l’embarras, la forfaiture car il faut bien du courage pour mettre à exécution les pires menaces mentales que ces esprits en mal de sensations fortes élucubrent à force d’alcool ou d’auto-conviction.
C’est alors que Françoise Sagan assène son coup de grâce, ne trouvant à ses personnages fats voire ridicules, mais profondément humains, aucune circonstance atténuante. C’est là que surgissent les yeux de soie pour envelopper d’une trompeuse douceur des vies de dépit, de résignation auxquelles l’argent n’aura rien changé, au fond.
Ces tableaux sont d’une terrible truculence et laissent l’empreinte d’une griffe acérée que la précision du style et le sens de la formule rendent fallacieusement douce.
Merci aux Editions Stock d’avoir réédité ce petit bijou !
Publié aux Editions Stock – 1975 réédition 2009 – 193 pages