12.3.10

La voyageuse de nuit - Françoise Chandernagor



Que les parents, dissimulés ou drapés dans le désir de protéger ou de régenter leurs enfants, même devenus adultes, peuvent commettre comme dégâts psychologiques et physiques sur leur progéniture.


C’est le thème choisi par F. Chandernagor dans son dernier roman. Un roman qui nous a beaucoup déçu. La faute à un rythme épouvantablement long, à une surenchère de descriptions et d’introspection sur ce que passé et présent combinés peuvent produire sur quatre femmes mûres. Elles ont la cinquantaine passée, sont mariées, multi-divorcées, multi-parturientes pour certaines d’entre elles, mais toujours viscéralement liées et dépendantes de leur mère, Olga.


Quatre femmes qui assistent, impuissantes, à une agonie programmée de leur mère. Programmée car, depuis 6 ans, Olga refuse de se faire soigner et souffre le martyr, emportée progressivement par trois cancers et d’autres complications.


Mais Olga lutte, de toutes ses forces et de toute sa volonté et manipule à distance sa famille pour conserver autour d’elles filles et petits-enfants, jusqu’à l’épuisement de ceux-ci.


L’auteur ne nous épargne rien dans les détails d’une mort atroce. Les mots sont souvent crûs, les escarres largement évoquées pour souligner le combat héroïque contre la souffrance et pour régenter une famille qui souffre cruellement de l’absence d’homme.


Certes, il y a bien un père et un mari, “pacha” dans la marine marchande et qui aura passé son existence absent et loin des siens. Un père, un mari dont la mort d’Olga mettra à jour la vraie vie. Un secret de famille jalousement gardé qu’Olga connaissait. Une lutte contre la mort pour se venger de ce mari.


Derrière une unité de façade, c’est à la déchéance de la cellule familiale que nous allons assister. Peu à peu, les souvenirs remontant à l’occasion des longues veilles et des repas de nuit pour tenir le coup, les petits et les grands secrets vont faire surface. Nous allons progressivement comprendre ce qui fait de ces quatre femmes des êtres profondément instables, à la merci du moindre déséquilibre affectif.


Alors, ces femmes trouvent chacune un refuge, qui dans l’alcool, qui en fuyant à l’autre bout du monde, qui en entretenant une vie parallèle et homosexuelle, qui en tentant de se suicider.


Une fois la mère partie, rapidement après le soulagement, c’est la digue qui cède. Les apparences cèdent vite la place à une réalité triste, voire désespérante. La scène du vidage de la maison familiale, du partage du peu de biens est à ce titre révélatrice. Des apparences trompeuses, une décoration qui s’écroule faute de la maîtresse de maison et de son savoir-faire pour assembler l’inassemblable, rafistoler le jetable...


Pour autant, le livre s’enlise pour plusieurs raisons. D’abord, parce que seul le point de vue féminin est étudié. Les hommes sont quasiment absents de ce livre hormis le père, peu reluisant et peu bavard, et un grand-père idéalisé, russe d’origine, un peu loufoque et qui s’est installé sur le plateau creusois à la fin de la guerre de quatorze.


Ensuite parce que le livre s’encombre de méandres qui à défaut de former un fleuve qui grossit, transportent le lecteur vers des cours d’eau sans intérêt et qui nuisent au débit.


Enfin parce que, à vouloir décrire et la vie d’Olga du temps du Grand-Père, et sa vie de femme, et son agonie, et la vie des quatre filles avant, pendant et après le décès d’Olga, on s’y perd. Il y avait matière à 700 ou 800 pages. Les plus de 300 sont ou trop courtes (non !) ou trop nombreuses (ce que je pense).


On referme le livre déçu d’autant que la fin est absolument incompréhensible.


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Publié aux Editions Gallimard - 323 pages