« Terre et cendres » fit partie des
écrits qui commencèrent à faire connaître Atiq Rahimi avant l’attribution du
Prix Goncourt en 2008. Il fut publié en 2000.
Comme le note sa traductrice, Sabrina Nouri,
ce court récit (moins de cent pages) est « un roman cathartique » en
ce sens qu’il témoigne de l’immense douleur que portent en eux celles et ceux
qui ont tout perdu lors de la guerre russo-afghane, sauf leur propre vie et
qu’il constitue un exutoire à l’indicible qui frappa un peuple paisible.
La langue adoptée par l’auteur est d’une
extrême simplicité, les phrases très concises, les dialogues restreints à
quelques mots qui disent l’essentiel. Il s’agit d’un parti-pris de l’auteur car
le dépouillement de cette langue nous oblige à affronter la douleur à l’état
brut, sans l’artifice de mots enjoliveurs.
Le récit est ramassé dans le temps. Nous
allons suivre quelques heures d’un vieil homme, accompagné de son petit-fils.
Ils se trouvent au milieu de nulle part, au pied d’une baraque qui contrôle
l’accès à une mine. Le vieil homme veut à tout prix rendre visite à son fils
qui travaille à la mine et négocie avec le garde-barrière d’être convoyé par
une voiture lors du prochain passage.
Commence une longue attente au soleil puis à
l’ombre d’une épicerie de fortune tenue par un sage, respectueux des traditions
afghanes alors que la guerre met tout à feu et à sang.
Peu à peu, nous allons comprendre le but de la
démarche du vieil homme. Les chars russes ont pilonné le village à titre de
représailles et la mère, la femme et les enfants du fils qui travaille à la
mine ont tous péri. Seuls ont survécu le père desséché par le soleil et le
jeune fils qui est devenu sourd suite au bombardement. Il ne comprend
d’ailleurs pas pourquoi les tanks ont pris la voix de tout le monde et ôté tout
bruit à toute chose et ne cesse d’interpeller son grand-père à ce propos.
L’immensité de l’horreur est renforcée par le
déshonneur car la femme de son fils a couru nue en plein village, le
bombardement l’ayant surprise au moment du bain des femmes dans le hammam.
Poids des traditions musulmanes.
La douleur que le vieil homme n’a pas pu
exprimer va finir par sourdre, par flots sporadiques, lors de l’attente et du
trajet qui va l’amener vers un fils qu’il s’apprête à poignarder. Mais cette
douleur sera elle-même trompée par ce qu’il découvrira une fois rendu à la
mine.
On ressort éminemment touché par la simplicité
du récit et l’inévitable violence que la guerre porte en elle. C’est en cela
que le récit est cathartique. Il est en outre servi par une admirable
traduction.
Une découverte pour aller à la rencontre d’un
auteur désormais reconnu en sa terre d’exil.
Publié aux Editions POL – 93 pages