En plein cœur de
Londres et à proximité du métro se trouve une pissotière pour hommes. Lorsque
Ez s’y fait embaucher et retrouve deux compatriotes jamaïcains qui tiennent les
lieux, il est loin de se douter que l’endroit est un point de rencontre bien
connu des homosexuels qui s’y retrouvent pour assouvir leurs pulsions à l’abri
précaire des cabines de toilette. Jusque là, la stratégie a plutôt été de
laisser faire tant que la discrétion prévalait. Lorsque ceux qu’ils appellent
les « reptiles », parce qu’ils sont froids et silencieux comme ces
derniers et se choisissent sur un simple regard sans jamais s’adresser la
parole ni avant, ni pendant, ni après leurs actes, en viennent à devenir trop
envahissants ou à s’agglutiner jusqu’à cinq dans l’espace étroit d’une cabine,
ils les délogent à l’aide d’un gros bâton en les menaçant de les prendre en
photo et de porter plainte. Une stratégie d’équilibre qui sauvent les
apparences et permet à tous d’y trouver son compte.
Cependant, un
jour la municipalité à qui appartient l’endroit, lasse de voir s’accumuler des
plaintes pour atteinte aux bonnes mœurs, décide de tout mettre en œuvre pour
faire cesser ces pratiques. Un oukase qui va avoir de nombreuses conséquences
inattendues sur l’eco-système qui gère
ou fréquente les lieux.
Dans ce petit
roman original, Warwick Collin traite de façon légère, amusante et brillante
d’un sujet grave, celui de l’homosexualité masculine et, en particulier, de
celle qui n’est pas assumée car la plupart de ceux qui s’adonnent dans ces lieux
clos et intimes à des pratiques douteuses sont des cadres ou des hommes de
profession libérale mariés et pères de famille que les Jamaïcains arrivent de
croiser en famille dans les rues animées adjacentes.
Un sujet
tellement grave que les deux Jamaïcains qui travaillaient là n’en avaient
jamais parlé à leurs épouses jusqu’à ce que la femme de Ez, lors d’un dîner
organisé par elle, mette les pieds dans le plat et oblige chacun à regarder les
choses en face. Ce sont finalement les femmes qui joueront, malgré elle, en
épouses ou en déléguée de la municipalité le rôle perturbateur d’un monde
souterrain profondément enfoui sous une bonne dose de lâcheté ou de vague
honte.
Un roman pour
dire aussi que la misère n’est pas seulement celle des populations prolétaires
tels ces Jamaïcains réduits à vivre de l’élimination javellisée des excréments
d’une population masculine venue, en majorité, ici pour expulser d’autres
sécrétions que celles normalement attendues.
Les plans de
lecture de ce très court roman sont donc nombreux et nous invitent à aller très
au-delà du simple récit au demeurant fort bien construit, drôle et grave à la
fois.
Publié aux
Editions 10/18 – 1997 – 142 pages