Qu’est-il arrivé à Olivier Adam, ce romancier
à l’écriture à fleur de peau et que nous aimons tant ? On est en droit de
se poser la question après avoir péniblement refermé son dernier roman qui
marque aussi son passage chez Flammarion.
Olivier Adam semble s’être une fois encore
jeté à corps perdu dans un roman au vitriol, mais dont il semble avoir perdu le
contrôle en cours de route. D’aucuns pourront y voir une critique sans
concession de la France contemporaine. Celle du peuple des ouvriers, des petits
qui galèrent d’un CDD à l’autre, toujours en quête d’un CDI synonyme du graal.
Une France taiseuse mais hargneuse qui jette des banderoles de plus en plus
nombreuses en votant pour un FN haineux, démagogique et laissant croire qu’en
se repliant sur soi, tous les problèmes du pays seront alors réglés. Il est
indéniable que l’auteur nous dresse ici le tableau d’un pays qui prend l’eau de
toutes parts et qui, à force de fabriquer de l’exclusion, se prépare à un réveil
difficile et douloureux.
Bref, c’est un peuple aux lisières d’un pays
qui se scinde que nous voyons à travers les yeux d’un homme, Paul Steiner, qui
ressemble étrangement à l’auteur. Comme lui, il est romancier, scénariste,
journaliste aussi à ses heures. Comme lui, il vit dans la souffrance, la
Maladie, cette dépression sournoise qui ne cesse de revenir, de vous happer
pour vous engluer et vous terroriser. Seule l’écriture combinée à une bonne
dose d’alcools et d’anxiolytiques divers permet de la contenir plus ou moins.
Steiner est un homme qui vit aux bords de sa
propre vie. Largué par sa femme, il ne se remet pas d’une séparation qu’il
n’accepte pas. Reclus aux confins du Finistère, il a cherché dans cette ultime
jetée nationale une forme d’isolement. Depuis toujours, il vit en opposition
des autres, s’habillant adolescent de noir et jouant aux poètes maudits quand
ses camarades de la banlieue du sud parisien se préparaient déjà à une vie de
marginaux et de RMIstes.
Il faudra un accident survenu à sa mère pour
le ramener vers sa ville d’origine et parcourir le chemin à l’envers d’une vie
pour, enfin, comprendre l’origine de ce mal être qui l’empoigne depuis l’âge de
dix ans et son premier souvenir presque concomitant de son désir d’en finir.
Tout cela aurait pu être un roman poignant,
terrifiant presque. Pourtant, Olivier Adam nous donne l’impression de tourner
en boucle au cours de ces longues, très longues quatre cent cinquante pages.
Toujours les mêmes obsessions, les mêmes images, les mêmes souvenirs, les mêmes
propos reviennent. La répétition est porteuse de force d’impact pour autant
qu’elle ne vire pas à l’overdose, ce qui est malencontreusement le cas ici. Du
coup, on s’ennuie ferme assez vite tant Olivier Adam semble avoir perdu ici ce
qui fit la force de son style jusque là, une écriture acérée et resserrée qui
vous traversait l’épiderme comme une balle. Ici, le projectile devient
seulement lancinant et plutôt que de vous saisir, il finit par vous endormir.
Il est certain que le roman aurait gagné à s’alléger de deux cents bonnes
pages. Espérons que cela n’augure pas d’un nouvel Adam, bien éloigné du
précédent….
Publié aux Editions Flammarion – 2012 – 454 pages