En bourlingueur et
navigateur confirmé, Olivier Rolin, qui fait avant tout profession d’écrivain,
sait que les voyages et les villes exotiques sont sources d’histoires et de
mystères.
Un quart de siècle après,
celui (le narrateur) qui fut marqué à vie par une histoire passionnelle dont la
brièveté fut à l’image de l’intensité tente encore de comprendre. Il venait à
Veracruz pour donner un cycle de conférences sur Proust. Des lectures décalées
pour lire et voir le romancier de façon décomplexée et surtout non
conventionnelle. Car lui, l’intervenant anonyme, n’est pas un homme de
conventions mais plutôt un esprit libre qui va tomber raide amoureux d’une
beauté locale rencontrée par hasard à un dîner tenu en son honneur.
Très vite, il devient
impossible de se quitter. Tandis qu’il ne lui cache rien de sa vie, elle
s’enferme dans le mystère cachant son identité, là où elle habite, ce qu’elle
fait pour vivre. Une fille à la beauté sulfureuse et au caractère bien trempé,
accompagnée d’un Luger dont elle ne se sépare jamais et avec lequel elle rit à
dégommer d’un tir instinctif de monstrueux papillons de nuit vernaculaires.
Et puis, un jour, elle
disparaît tout aussi mystérieusement qu’elle apparut. Désespéré, l’amant abandonné
qui a depuis belle lurette renoncé à rentrer au bercail s’abîme dans le bar
dont le nom El Ideal sonne comme l’antithèse de sa promesse. Un rade crasseux,
écrasé de soleil, où il s’écroule chaque soir comme un ivrogne désespéré que le
tenancier finit par mettre gentiment dehors, l’heure de la fermeture venue.
Sans crier gare,
parviennent quatre récits anonymes. Quatre courtes histoires qui laissent à
penser qu’elles ont un lien, indécodable, mystérieux lui aussi, avec celle qui
fut sa fulgurante compagne aztèque. Quatre récits donnant le point de vue de
quatre personnages participant aux mêmes scènes de vie. Des acolytes peu amènes
entre un prêtre défroqué et tourmenté par ses pulsions sexuelles, un pistolero
jaloux comme un poux et prêt à émasculer le père putatif qui abuse de sa fille
adolescente avec une compulsion bestiale. Et au milieu de ces trois rustres,
une femme qui navigue, augurant d’un drame dont on entend les signes
annonciateurs sous les hurlements d’une tornade qui s’abat sur la ville.
Quatre récits qui
n’apportent que de nouvelles interrogations sans régler aucune question. Quatre
fulgurances aux relents de violence et de stupre, trempées dans une langue
farouchement imagée, musclée et
traversée d’expressions espagnoles comme les éclairs de cette fin du monde que
l’on sent prête à tomber sur l’ensemble des protagonistes hagards.
Un livre très maîtrisé,
étrange, à déguster comme un alcool violent.
Publié aux Editions
Verdier – 2016 – 128 pages