Après le carton mondial de « Miniaturistes » vendu
à plus d’un million d’exemplaires (mais que nous n’avions que moyennement aimé
– voir notre critique), les groupies de la romancière anglaise toute jeune
trentenaire attendaient avec impatience son deuxième opus. Autant dire que
« Les filles au lion » emportent une adhésion sans réserve et devrait
devenir un page turner international tant son auteur parvient à combiner avec
un immense talent une histoire attachante, des personnages au caractère très
déterminé ainsi qu’une analyse sociale et historique fouillée servant seulement
de discret filigrane.
Jessie Burton aime placer ses histoires dans un contexte
historique. Ce fut l’Amsterdam du XVIIème siècle avec son premier roman. Son
deuxième livre nous met dans une double perspective. Celle de l’Espagne de 1936
d’une part et celle de la ville de Londres au début des années soixante d’autre
part.
Entre ces deux époques très différentes, entre un pays qui s’apprête
à basculer dans la guerre civile puis dans le Franquisme et une capitale sur le
point de quitter une époque industrielle pour sombrer dans une frénésie de
croissance des services et de l’enrichissement à tout prix, il existe un trait
d’union sous la forme d’un tableau. Une œuvre étrange, troublante, décrite avec
une précision chirurgicale par Jessie Burton qui se régale dans ce genre
d’exercice. Un tableau un peu mythique qui fit beaucoup parler de lui lors de
sa création dans l’Espagne des années trente avant de disparaître des écrans
radar jusqu’à sa réapparition inattendue à Londres, presque trente ans plus
tard.
Autour de ce tableau, beaucoup de femmes. Celles
représentées dans l’œuvre d’abord inspirées de références religieuses et
mythologiques mais dont le sens caché nous sera finalement révélé en toute fin
de ce qui ressemble à une enquête passionnée et passionnante. Celles qui
gravitent autour de cette œuvre en permanence, d’une époque à l’autre, d’un
pays à l’autre et qui, toutes, jouent un rôle essentiel dans la création, la
compréhension et les diverses révélations d’un tableau qui crée une sorte de
scandale. Nous n’en dirons pas plus, bien entendu, tant la lecture des
« Filles au lion » s’impose par elle-même !
Derrière le romanesque, très réussi on l’aura compris de
l’ouvrage, se cache la question de la place de la femme dans nos sociétés et
tout particulièrement son rôle en tant qu’artiste. Si ceci semble être
désormais acquis dans nos sociétés occidentales modernes, il fallut le combat
des femmes imaginées par Jessie Burton autour de ce tableau fictif mais
hautement symbolique pour en arriver là.
Un livre passionnant !
Publié aux Editions Gallimard – 2017 – 490 pages