3.11.12

Les lisières - Olivier Adam



Qu’est-il arrivé à Olivier Adam, ce romancier à l’écriture à fleur de peau et que nous aimons tant ? On est en droit de se poser la question après avoir péniblement refermé son dernier roman qui marque aussi son passage chez Flammarion.

Olivier Adam semble s’être une fois encore jeté à corps perdu dans un roman au vitriol, mais dont il semble avoir perdu le contrôle en cours de route. D’aucuns pourront y voir une critique sans concession de la France contemporaine. Celle du peuple des ouvriers, des petits qui galèrent d’un CDD à l’autre, toujours en quête d’un CDI synonyme du graal. Une France taiseuse mais hargneuse qui jette des banderoles de plus en plus nombreuses en votant pour un FN haineux, démagogique et laissant croire qu’en se repliant sur soi, tous les problèmes du pays seront alors réglés. Il est indéniable que l’auteur nous dresse ici le tableau d’un pays qui prend l’eau de toutes parts et qui, à force de fabriquer de l’exclusion, se prépare à un réveil difficile et douloureux.

Bref, c’est un peuple aux lisières d’un pays qui se scinde que nous voyons à travers les yeux d’un homme, Paul Steiner, qui ressemble étrangement à l’auteur. Comme lui, il est romancier, scénariste, journaliste aussi à ses heures. Comme lui, il vit dans la souffrance, la Maladie, cette dépression sournoise qui ne cesse de revenir, de vous happer pour vous engluer et vous terroriser. Seule l’écriture combinée à une bonne dose d’alcools et d’anxiolytiques divers permet de la contenir plus ou moins.
Steiner est un homme qui vit aux bords de sa propre vie. Largué par sa femme, il ne se remet pas d’une séparation qu’il n’accepte pas. Reclus aux confins du Finistère, il a cherché dans cette ultime jetée nationale une forme d’isolement. Depuis toujours, il vit en opposition des autres, s’habillant adolescent de noir et jouant aux poètes maudits quand ses camarades de la banlieue du sud parisien se préparaient déjà à une vie de marginaux et de RMIstes.

Il faudra un accident survenu à sa mère pour le ramener vers sa ville d’origine et parcourir le chemin à l’envers d’une vie pour, enfin, comprendre l’origine de ce mal être qui l’empoigne depuis l’âge de dix ans et son premier souvenir presque concomitant de son désir d’en finir.

Tout cela aurait pu être un roman poignant, terrifiant presque. Pourtant, Olivier Adam nous donne l’impression de tourner en boucle au cours de ces longues, très longues quatre cent cinquante pages. Toujours les mêmes obsessions, les mêmes images, les mêmes souvenirs, les mêmes propos reviennent. La répétition est porteuse de force d’impact pour autant qu’elle ne vire pas à l’overdose, ce qui est malencontreusement le cas ici. Du coup, on s’ennuie ferme assez vite tant Olivier Adam semble avoir perdu ici ce qui fit la force de son style jusque là, une écriture acérée et resserrée qui vous traversait l’épiderme comme une balle. Ici, le projectile devient seulement lancinant et plutôt que de vous saisir, il finit par vous endormir. Il est certain que le roman aurait gagné à s’alléger de deux cents bonnes pages. Espérons que cela n’augure pas d’un nouvel Adam, bien éloigné du précédent….

Publié aux Editions Flammarion – 2012 – 454 pages