18.4.19

Ne préfère pas le sang à l’eau – Céline Lapertot



Après deux premiers romans fort réussis (« Et je prendrai tout ce qu’il y a à prendre » puis « Des femmes qui dansent sous les bombes »), la romancière par ailleurs également professeur de lettres dans le secondaire fait paraître un troisième roman fort différent, moins impactant et qui nous a, disons-le d’emblée, beaucoup moins séduit.
Roman d’anticipation, situé dans un futur proche en un lieu quelconque. Peu importe, si ce n’est que le manque d’eau potable s’est abattu sur le monde. Alors quand on est un petit pays comme celui imaginé par l’auteur qui a su anticiper en faisant construire une immense citerne censée subvenir aux besoins de la population, cela attise forcément convoitise et bas instincts. D’où l’afflux massif de réfugiés venus chercher le nouvel Eldorado dans un pays qui finit par se sentir envahi. Alors quand un jour des extrêmistes font sauter la citerne, ceux qui ont bâti leur avenir politique sur un populisme haineux en profitent pour confisquer le pouvoir et mettre en place un régime autoritaire et bientôt totalitaire.
Dès lors, ce qui était un petit paradis sur terre devient une prison à ciel ouvert où l’on confisque la liberté de penser, d’agir et où l’on enferme tout individu ayant eu des velléités d’exprimer leur refus d’adhérer à l’idéologie dominante. Bref, c’est dans un monde possible, voire probable de manière inquiétante, que nous plonge Céline Lapertot. Une façon d’éveiller les consciences de ceux qui seraient tentés par une aventure que l’on sait d’avance suicidaire. Un geste louable mais dont la portée reste douteuse car quelle est la probabilité que ceux qui réfléchissent sur de fausses bases soient tentés de lire le roman d’une auteur encore assez confidentielle ?
L’exercice tient d’autant plus du pari osé que la composition du roman où la parole est successivement donnée à divers personnages dont on éprouve le plus grand mal à comprendre qui ils sont vraiment et quels rôles ils jouent dans un pays qui demeure trop vague, crée une distance permanente entre le récit et le lecteur. Une distance qui pourra pousser certains à abandonner la lecture avant qu’un rythme plus convaincant ne s’installe, passé un gros premier tiers.
Si l’intention est louable, la méthode ici manque de force de conviction. Dommage.
Publié aux Editions Viviane Hamy – 2018 – 144 pages