A travers treize nouvelles, Joy Sorman tente de décrypter,
avec beaucoup d’originalité et un certain talent, la signification moderne de
l’habitat. Pour cela, l’auteur choisit de recourir à treize personnages
profondément différents, acteurs ou observateurs de cet acte fondamental pour
un humain qu’est de choisir et d’investir un lieu.
L’originalité de Joy Sorman tient à ce que son regard ne
fait pas qu’embrasser les variétés d’habitat moderne que sont le pavillon de
banlieue ou l’appartement sous toutes ses formes. Bien au contraire, elle va
aussi s’intéresser en quoi un habitat délabré, sur le point d’être démoli peut
devenir un prétexte à une création artistique, à un point de vue non essentiel
mais qui permettra à celles et ceux qui acceptent une démarche différente
d’envisager autrement le monde qui nous entoure.
Aussi suivrons-nous avec un intérêt toutefois inégal, la
qualité des nouvelles n’étant pas suffisamment homogène, une cohorte de paumés
ou d’originaux qui tentent de donner un sens non traditionnel au fait d’occuper
un lieu.
Du bricoleur de génie qui mettra vingt-cinq ans à bâtir de
ses propres mains son pavillon personnel, au point d’en oublier de vivre, de ne
plus penser et agir que pour modifier ou aménager l’œuvre de sa vie, à la
vieille prostituée tzigane qui ne reçoit plus que des clients triés sur le
volet dans un luxueux camping-car dernier cri, du fantassin allemand enfermé
dans son bunker d’acier et de béton à attendre l’arrivée de l’ennemi, perclus
d’arthrose à force d’être accroupi, à moitié fou de ne pouvoir sortir, confiné
pendant des mois d’un ennui mortel, à la
jeune célibataire qui achète sur ses prouesses techniques intrinsèques un
mobil-home, symbole ultime des derniers progrès de l’industrie du bâtiment,
sans savoir vraiment où le faire transporter, il semble bien que le propos de
l’auteur soit de nous conter en quoi la folie ou à tout le moins l’originalité
peuvent se nicher en chacun de nous.
Une originalité qui confinera alors la démence lorsque
l’artiste transformera son pavillon en coffre blindé entièrement carrelé de
faïence blanche au point d’en faire une quasi morgue avant que de la détruire
de ses propres mains. Folie encore que celle d’un artiste américain qui découpe
d’impeccables perspectives géométriques à la scie circulaire dans des immeubles
sur le point d’être détruit.
Ou bien encore, utopie moderne observée dans l’expérience
qui consiste à rassembler 450 jeunes gens volontaires pour les faire cohabiter
dans un habitat collectif modulaire et modifiable, exclusivement réalisé par
assemblage d’éléments d’échafaudage.
Bref, vous l’aurez compris, ce n’est pas habiter au sens
traditionnel dont il est question ici et c’est ce qui fait l’intérêt de cet
opuscule qui sort des sentiers battus.
Publié aux Editions Gallimard – 2009 – 183 pages