JP Toussaint aime mêler à
ses romans des plus petits formats en forme d’essais ou de réflexions sur des
thèmes lui permettant de se pencher sur certains éléments essentiels qui
transforment notre façon d’appréhender le monde. On pense ici à
« Télévision » ou bien encore « L’appareil-photo » qui mélangent
trame romanesque et analyse sociologique voire sémiologique dans un style
brillant plein d’ironie et de dérision.
« Football »
est le dernier opus de cette petite série, mais un opus qui se distingue parce
que, cette fois-ci, le narrateur est aussi le principal intéressé par le sujet
ainsi que l’auteur de l’ouvrage. En effet, Mr Toussaint, nous le découvrons,
est un fou de foot au point d’organiser certaines de ses vacances ou de ses
conférences autour des coupes du monde.
Il ne s’agit cependant pas
pour l’auteur de se livrer ici à une analyse approfondie de la façon dont le
football retranscrit ou non certains des mécanismes de nos sociétés modernes
mais plutôt de nous conter, de façon anecdotique et drôle, toujours
merveilleusement écrite, un temps qui passe, celui d’une vie. Un temps rythmé
tous les quatre ans par un évènement qui occulte presque toute autre actualité.
Un temps qui rassemble des cohortes de supporters venus des quatre coins du
monde faisant d’eux les ennemis d’un jour ou les malheureux exclus fraternisant
sur le dos d’une autre équipe qui aurait eu le malheur d’éliminer celle de leur
cœur.
Cette vie, c’est la
sienne. Une vie d’addict à un sport qui lui vaut de supporter l’équipe
nationale belge, son pays d’origine, et, parfois aussi, quand elle ne se
ridiculise pas complètement, celle de son pays d’adoption, la France. Une vie
de passionné admirant le jeu des Brésiliens jusqu’à leur désastreuse fin de
règne lors de la dernière édition tenue sur leurs terres. Une vie qui s’arrête lorsque,
n’étant pas sur place faute de disposer de billets ou dégoûté par les dérives
et les échecs, il lui faut malgré tout se précipiter sur un ordinateur en
streaming ou un transistor à piles pour suivre, haletant et en plein orage, le
dénouement d’une finale ou tout simplement d’un match dont l’intérêt
disparaîtra aussitôt le jeu terminé. Car le football est un produit à date de
péremption immédiate, à consommer en temps réel, perdant toute saveur même en
léger différé.
N’hésitant pas à
réutiliser certaines chroniques qu’il publia pour Libération à l’occasion, JP
Toussaint nous montre à sa façon qu’il est à la fois possible de faire du neuf
avec du vieux et de concilier préoccupations intellectuelles et artistiques
avec le sport le plus populaire qui soit au monde. C’est aussi sympathique que
non essentiel.
Publié aux Editions de
Minuit – 2015 – 123 pages