Tout d’abord, un lien vers un site remarquable par la qualité des informations relatives à cette œuvre qui a valu le Renaudot à l’auteur en 2000 :
http://www.on-luebeck.de/~swessin/afrique/kourouma.htm
Le thème en quelques mots : un jeune guinéen devient par la force des choses qui nous seront contées, un « small-soldier » c’est-à-dire un enfant soldat. Celui-ci va nous conter, à l’africaine, par une succession de courtes scènes étonnantes de vérité, sa descente en enfer. Un enfer peuplé de meurtres, de viols, de rapines, d’alcool et de hasch pour être plus fort face aux ennemis.
Kourouma nous entraîne avec une maîtrise extraordinaire au sein de ces guerres tribales qui n’en finissent plus de faire crever l’Afrique de l’Ouest. Nous comprenons mieux les ressorts intimes à l’œuvre qui ont mis à feu et à sang la Guinée, le Liberia et la pauvre Sierra-Leone, ces trois pays étant le théâtre des opérations.
D’un point de vue littéraire, Kourouma adopte un parti-pris original tout au long du récit : celui de marier un français assez basique auquel il adjoint régulièrement des mots plus élaborés que le jeune conteur explique en direction des auditeurs/lecteurs supposés africains. Une forme d’autodérision vis-à-vis de peuples présupposés incultes. Par ailleurs, des expressions africaines sont régulièrement utilisées et commentée, à l’aide du lexique officiel préparé à cette intention ! Enfin, chaque chapitre s’achève par un ou deux jurons africains, qui nous sont expliqués, ce qui accentue ce côté vrai et impliquant du récit.
Grâce à Kourouma, nos yeux d’occidentaux se décillent sur nos responsabilités dans ses massacres qui arrangeaient bien des affaires. Nous apprenons aussi à voir, grâce en particulier à la dernière partie du récit qui se situe en Sierra-Leone, les prétendus sages d’Afrique sous un autre jour : celui de dictateurs absolus qui n’ont eu d’autre cesse que de s’enrichir et d’enrichir leur famille.
Le titre illustre bien le fatalisme africain, derrière un mélange incompréhensible pour nous de fétichisme, de religion musulmane et de catholicisme. « Allah n’est pas obligé » de nourrir ceux qui ont faim, alors il faut bien se débrouiller, y compris en massacrant pour ce faire.
Enfin, la religion n’est jamais aussi efficace que lorsqu’elle est complétée de gri-gri mis au point par les gri-gri men dûment adoubés. Tant pis si les gri-gri censés transformer les balles des kalachnikov en eau montrent vite leurs limites : il y a toujours une bonne explication derrière une transgression mise au point sur le champ (de bataille).
Il est impossible pour tout amoureux de littérature, en particulier moderne et d’expression française, de se passer de la lecture de cet édifiant roman. Alors, vous savez ce qu’il vous reste à faire…
Publié aux Editions du seuil – 233 pages
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- Cadre dirigeant, je trouve en la lecture une source d'équilibre et de plénitude. Comme une mise en suspens du temps, une parenthèse pour des évasions, des émotions que la magie des infinis agencements des mots fait scintiller. Lire m'est aussi essentiel que respirer. Lisant vite, passant de longues heures en avion, ma consommation annuelle se situe entre 250 et 300 ouvrages. Je les bloggue tous, peu à peu. Tout commentaire est bienvenu car réaliser ces notes de lecture est un acte de foi, consommateur en temps. N'hésitez pas également à consulter le blog lecture/écriture auquel je contribue sur le lien http://www.lecture-ecriture.com/index.php Bonnes lectures !
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