Marc Dugain, principalement connu pour son best-seller « La chambre des officiers », produit ici un roman remarquablement écrit, avec juste ce qu’il faut d’effets littéraires (il a le sens de la formule qui fait mouche mais sans l’ostentation cumulative d’un Pierre Assouline).
Pourtant, le thème retenu est archi-rabâché : un jeune homme de vingt ans, dont les parents animent des réseaux de résistance via le Parti depuis Paris, est déclaré officiellement mort. Une fois enterré, pour de faux bien entendu, il est envoyé en Province où il va progressivement monter les échelons dans son réseau, commettant directement ou indirectement, les meurtres et les coups d’éclat indispensables au succès de ses missions.
La langue maniée par Dugain est pour beaucoup dans le fait que l’on est immédiatement happée par la logique infernale qui se met en place. L’atmosphère d’angoisse latente, l’implication de ses sans-grades qui se sont engagés au péril de leur vie est admirablement rendue.
On y comprend aussi les principes du cloisonnement au sein d’un réseau, le fait que chacun était responsable d’une minuscule parcelle d’action, la somme du tout faisant l’effet escompté. Il était également plus facile de remplacer un maillon arrêté ou mort que toute la chaîne.
L’autre originalité de ce très beau roman, de facture classique (il n’y faut pas chercher d’innovation littéraire), est de prolonger l’action dans le France de l’après-guerre. Plus qu’un roman d’action, ce qu’il n’est pas vraiment, c’est un roman profondément intimiste qui met en scène les doutes, les interrogations, les bravades et les actions de bravoure qu’un jeune homme va apprendre instinctivement à trouver en lui, face à des situations terribles. Jusqu’où peut aller l’amitié, la compréhension de l’ennemi, jusqu’où trahir ceux qui nous font apparemment confiance pour faire gagner la cause pour laquelle on est enrôlé.
Ces mêmes doutes, transcrits une fois de retour dans la vie civile, doublés d’une quête d’un amour impossible, avec la femme qui fut son chef de réseau et qui disparut brutalement, arrêtée, quelques jours avant qu’il ne le fût lui-même sont magnifiquement mis en scène par l’auteur dans le dernier tiers de cet ouvrage.
L’une des questions qui est posée est celle du sens de l’engagement et des limites à ce que l’on est autorisé ou non de faire. La réponse donnée ici est que face au terrorisme militaire il n’y avait pas d’autre réponse que celui du terrorisme résistant. Une façon sans doute de nous donner à voir ce qui se passe aussi en Irak ou en Afghanistan…
Publié chez Gallimard – 204 pages
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