Mais d’où vient donc que l’on n’entende pas particulièrement parler de cet auteur d’origine tunisienne ?
Sa langue est sublime de poésie, à la fois orientale par sa luxuriance, sa richesse de vocabulaire sans franchir des limites qui en feraient une langue pédante, et d’une modernité occidentale. On se laisse bercer par la magie des mots, les couleurs et les odeurs défilent devant nos sens émerveillés au fur et à mesure que la lecture de ce merveilleux conte progresse.
L’idée est originale et force l’admiration par la maîtrise que l’auteur en a.
Louis IX fait le siège de Tunis. Frappé par la peste et le « mal des entrailles », il se meurt lentement comme tant de nobles chevaliers avec lui. Frappé du même mal, le berger de l’armée, Saïd, râle.
Louis IX va usurper l’identité de Saïd et Saïd devenir la dépouille royale, défigurée et putrescente. Enfin libéré des obligations de sa charge, le roi moine, qui survivra à son mal et se réveillera des morts, va pouvoir se consacrer à sa seule passion : la méditation et la prière.
Mais la force de son caractère, son calme et son sourire permanent, sa foi qui deviendra musulmane ne vont pas tarder à faire de lui un prophète respecté, adulé que l’Emir Al-Mostancir, qui aura défait les Francs, fera venir à lui pour réveiller une foi qui s’éteint.
Hubert Haddad fait preuve d’une culture historique remarquable et maîtrise brillamment les principes fondateurs des deux religions majeures qui s’affrontent pour finir par se confondre en grande partie. Nous voilà en quelques traits de plume transportés près de six cents ans en arrière et nous souffrons de la chaleur, de l’ardeur des combats, de la maladie surtout qui décime plus que l’ennemi musulman l’armée papale.
La magie de l’auteur est de nous faire glisser imperceptiblement de la conscience au rêve du roi mourant. Ce que nous voyons se dérouler sous nos yeux, c’est l’agonie mentale royale, le rêve formé par les fièvres. Cette rêverie poétique interpelle le roi, inconsciemment, et nous avec, sur la réalité de la foi, la prétendue supériorité d’une religion sur une autre, le renoncement à l’amour physique et la découverte du plaisir de la chair avec une belle musulmane imaginée. C’est un rêve de dépouillement extrême, de totale pauvreté pour n’avoir aucune obligation et pouvoir poursuivre son chemin vers son destin, en paix avec soi et avec le monde avant que de le quitter en remettant son âme à celui que sa naissance a fait son Dieu.
Un livre extraordinaire qui donne une irrépressible envie de se précipiter sur les autres ouvrages de ce prolifique auteur contemporain, touche à tout de la littérature car auteur de romans, de nouvelles, de théâtre comme de poésie.
Un des grands livres de Cetalir !
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Qui êtes-vous ?
- Thierry Collet
- Cadre dirigeant, je trouve en la lecture une source d'équilibre et de plénitude. Comme une mise en suspens du temps, une parenthèse pour des évasions, des émotions que la magie des infinis agencements des mots fait scintiller. Lire m'est aussi essentiel que respirer. Lisant vite, passant de longues heures en avion, ma consommation annuelle se situe entre 250 et 300 ouvrages. Je les bloggue tous, peu à peu. Tout commentaire est bienvenu car réaliser ces notes de lecture est un acte de foi, consommateur en temps. N'hésitez pas également à consulter le blog lecture/écriture auquel je contribue sur le lien http://www.lecture-ecriture.com/index.php Bonnes lectures !
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