Etrange titre pour un étrange récit qui hésite sans arrêt entre roman, poésie et théâtre, trois domaines dans lesquels Hubert Haddad excelle.
Partout où le monde est en guerre, où les peuples fuient, où les enfants tombent, en victimes ou en soldats, Samuel Faun, photographe de guerre, se dresse pour faire de ses photos célèbres un témoignage de la passivité de l’occident.
De retour d’Erythrée, Samuel, qui vit à New York, va tomber au hasard d’une soirée alcoolisée dans un improbable théâtre off. S’y joue une pièce en yiddish, « Oholida des Songes ».
Fasciné par des paroles qui lui rappellent son enfance, avant que les nazis n’emportent ses parents, troublé par la superbe femme qui joue l’un des deux rôles de cette pièce, Samuel se rend chaque soir dans ce théâtre où le public semble éternellement identique.
L’attraction exercée par cette pièce devient tellement intense, le besoin de rencontrer cette femme si absolu, alors qu’il n’a jamais pu, su ou voulu s’attacher à la moindre compagne, vivant d’amours sans lendemain ou de prostituées des ports de guerre, interdisent à Samuel de reprendre le chemin des conflits qui pourtant l’attendent.
S’en suit une longue et troublante quête de l’autre pour mieux se comprendre soi. Jusqu’à la perte, jusqu’à la limite de la folie ou de la tentation de suicide.
Une fois de plus, Hubert Haddad a choisi un thème difficile qui nécessite maîtrise, talent et habilité pour conserver l’attention fortement sollicitée du lecteur.
Si vous cherchez un livre facile, passez votre chemin. Si vous êtes en quête d’originalité, d’exigence, de vocabulaire riche et étonnant et que le mélange des genres ne vous effraie pas, ce livre alors est pour vous.
Vous pénétrerez dans un monde où il convient de chercher derrière les apparences pour découvrir qui est vraiment l’autre, où l’authenticité ne se révèle qu’une fois que l’on s’est dépouillé de tout.
Ohalida étant un autre nom de Jérusalem, happé par une histoire d’amour plus forte que tout, Samuel n’aura d’autre choix que de retrouver ses sources et de faire le voyage vers la ville biblique que l’aimée disparue lui aura soufflé.
Un voyage pour se transfigurer, un voyage pour s’accepter définitivement, à l’aube de la vieillesse avant qu’il ne soit trop tard. Un voyage d’une rare densité qui nous mène par Djibouti, New York, Beyrouth et Jérsusalem.
Un très beau livre qui ne se laisse pas facilement apprivoiser.
Publié aux Editions Zulma – 318 pages
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- Thierry Collet
- Cadre dirigeant, je trouve en la lecture une source d'équilibre et de plénitude. Comme une mise en suspens du temps, une parenthèse pour des évasions, des émotions que la magie des infinis agencements des mots fait scintiller. Lire m'est aussi essentiel que respirer. Lisant vite, passant de longues heures en avion, ma consommation annuelle se situe entre 250 et 300 ouvrages. Je les bloggue tous, peu à peu. Tout commentaire est bienvenu car réaliser ces notes de lecture est un acte de foi, consommateur en temps. N'hésitez pas également à consulter le blog lecture/écriture auquel je contribue sur le lien http://www.lecture-ecriture.com/index.php Bonnes lectures !
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