Irène Némirovsky fut une des figures littéraires des années trente. Elle disparut tragiquement, comme des millions d’autres, dans l’un des plus terribles camps de la mort à Auschwitz.
On la redécouvrit à la suite d’un roman inédit, publié en 2004, « Suite française », qui fut un succès littéraire posthume.
Le Maître des âmes fut tout d’abord publié sous la forme d’épisodes dans la revue Gringoire. La qualité littéraire n’en est pas exceptionnelle mais l’écriture fluide nous conduit avec facilité au cœur de la France des années vingt et trente, juste avant la guerre. Facilité ne veut cependant pas dire, simplicité de l’intrigue et de la psychologie. Au contraire !
Il est assez fascinant de voir à travers ce roman l’antisémitisme plus ou moins latent qui pouvait régner parmi les élites à cette époque.
Dario Asfar est un sémite, croisement de grec, de russe et d’italien. Condamné à devenir un misérable horloger, il choisit d’émigrer en France après avoir réussi ses études de médecin en tirant le diable par la queue.
Crevant de faim, chargé d’une épouse valétudinaire et d’un jeune fils, il vit d’expédients et d’emprunts ainsi que d’une minuscule clientèle à Nice peu prompte à payer les factures d’honoraires.
Ambitieux, rusé, travailleur, ayant une volonté farouche de réussir, fasciné par l’argent dont il manque constamment, il va jouer son va-tout en s’installant à Paris. Grâce à une intrigante qui est la maîtresse d’un riche industriel qu’il a sauvé et qu’il continue de soigner, il va rapidement devenir la coqueluche de la haute société en exploitant un filon tout neuf, méconnu et en construction : la psychanalyse.
Plus poussé par l’appât du gain destiné à supporter un train de vie princier que par le souci de ses patients, il deviendra le Maître des Ames de ses patients, se rendra indispensable jusqu’à la manipulation ou l’extorsion.
L’auteur nous décrit une société sans complaisance où la superficialité des rapports ne saurait masquer la férocité des sentiments, les trahisons et les coups-bas.
Dario Asfar, en ayant gagné l’âme de ses patients, finira par perdre la sienne même si la dernière phrase est terrible et montre combien il n’a rien compris à ceux, très proches, qui ne partagent pas son point de vue.
Un livre qui se lit très vite et qui permet de découvrir un auteur un peu injustement oublié ainsi qu’une facette de la lutte des classes dans cette France très contrastée de l’avant-guerre.
Publié aux Editions Denoël – 284 pages
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