L’occasion n’est pas si fréquente que cela de découvrir la
littérature argentine. Voici que le premier roman d’une jeune femme « Le
lieu perdu » permet de combler une relative lacune.
Ce livre, publié en 2007, connut un succès d’estime et fut bien
accueilli par certains des grands noms de la littérature contemporaine
sud-américaine. Pourtant, nous sommes, pour notre part, restés un peu sur notre
faim. En effet, malgré un thème original dont nous allons donner la trame ci-après, il nous a semblé qu’il
manquait un souffle dans l’écriture
qui aurait pu transformer ce premier essai que l’on remarque cependant,
en une transformation hallucinatoire.
« Le lieu perdu » c’est un village perdu au Nord
de l’Argentine, que personne ne fréquente et où vivent, abrutis et écrasés de
chaleur, de pauvres hères. Sous un soleil de plomb et sans un souffle d’air, en
plein désert et entouré de montagnes pelées, une population s’efforce de
subsister à coup de petits boulots. C’est là qu’un lieutenant de police de la capitale
est envoyé, à son corps défendant, pour mener une enquête sur une étrange
disparition.
Une jeune femme originaire de ce village et émigrée à Buenos
Aires où elle a trouvé un travail d’assistante a en effet brutalement disparu
sans laisser de traces. C’est, semble-t-il, pour comprendre l’origine et la
nature de la disparition qu’un inquiétant lieutenant, sombre et solitaire, est
envoyé sur place.
Très vite, l’officier de police va identifier l’amie
d’enfance avec laquelle la disparue n’a cessé de correspondre. C’est une jeune
femme altière qui tient l’un des deux bar-restaurants du village. Visiblement,
elle en sait beaucoup plus que le peu qu’elle accepte de révéler à l’officier
auquel elle refuse obstinément de transmettre sa correspondance privée.
A partir de là, dans l’espace de la semaine qui la sépare de
son anniversaire qui lui vaudra, dit-elle, d’inévitablement recevoir une lettre
de son amie ce qui prouvera qu’elle n’est pas morte et devrait la débarrasser
de l’encombrant policier, se met en place un jeu de chat et de souris entre les
deux protagonistes. Plus les jours passent, plus la tension monte, plus le
harcèlement du policier se fait pressant en particulier auprès de l’entourage
de la tenancière du bar.
Pour éviter l’ennui que l’inactivité engendre, l’officier
erre dans les rues du village et ne cesse de frotter ses seules superbes
chaussures sur les jambes de son pantalon pour en ôter la poussière. Un toc
compulsif dont la fréquence augmente au fur et à mesure que ses souvenirs
personnels refoulés remontent. Un toc pour chasser la saleté de la varie vie de
cet homme que nous allons découvrir.
L’auteur saura conduire brillamment une intrigue à la
conclusion cependant relativement prédictible car il est impossible de
maintenir l’intensité dramatique du récit sans révéler des informations de plus
en plus capitales qui nous font découvrir qui l’officier est réellement et
quelle est sa véritable mission. Une intensité croissante est joliment
orchestrée qui va conduire les protagonistes à une conclusion nécessairement
dramatique et silencieuse dont personne ne saura jamais rien dans ce lieu perdu
et oublié de tous.
Il en résulte une intéressante curiosité que nous ne
classerons pas pour autant au rang des indispensables.
Publié aux Editions Liona Levi – 219 pages