26.8.19

Toutes les choses de notre vie – Sok-Yong Hwang



Toutes les choses de notre vie dont nous ne voulons plus parce qu’elles sont usées, cassées, démodées ou périmées finissent par se retrouver dans l’immense décharge à ciel ouvert trônant sur le fleuve Han qui divise la capitale tentaculaire de Seoul en deux parties. C’est sur un ancien terrain fertile et agricole que sont amassées des montagnes d’ordure qu’une armée de pauvres et d’exclus en tous genres trient sans relâche. Une armée très organisée, divisée en clans placés sous l’autorité de chefs qui se partagent les zones de triage et l’essentiel des bénéfices. Ne reste pour les sbires et les esclaves de ces petits chefs un brin mafieux que des salaires de misère permettant tout juste de subvenir aux besoins fondamentaux.
C’est parmi ces gueux des temps modernes que celui qu’on appelle Gros Yeux et sa mère ont échoué depuis que l’homme de la famille a été envoyé en camp de redressement sous le régime militaire dictatorial de la Corée du Sud d’alors. Comme leurs pairs, ils habitent dans une cahute de fortune construite de bric et de broc sur place.
Pendant que sa mère trouve rapidement à s’employer avant de devenir la maîtresse de son protecteur, Gros Yeux, encore trop jeune pour véritablement travailler comme un forçat, se familiarise avec les règles de ce nouvel univers et fait la connaissance d’autres adolescents échoués là-bas, comme lui. Entre eux, ils forment une petite famille avec ses propres codes. Mais c’est surtout avec le Pelé, le fils du chef pour lequel sa mère travaille, qu’il va se lier d’amitié. Une amitié qui les confrontera à la misère de la décharge, à sa brutalité, au monde chamanique et à celui des esprits de celles et ceux qui ont vécu sur des terrains fertiles avant d’en être brutalement chassés. Ces deux jeunes vaquent ainsi  entre différents mondes : celui du passage de l’adolescence à l’âge adulte, celui d’un mode de vie sociale intégrée à l’exclusion parmi les pestiférés, celui d’une modernité dont on ne voit que les rebus et celui d’une culture encore un peu animiste.
Pour réaliser ce magnifique roman, Sok-Yong Hwang s’est inspiré de la véritable histoire de la décharge à ciel ouvert de Seoul, fermée après un incendie majeur et transformée depuis en une base de loisirs fréquentée chaque week-end par les habitants de la capitale coréenne.
Publié aux Editions Philippe Picquier – 2016 – 188 pages