Depuis des années, Jean-Paul Dubois peaufine son art consistant
à transformer personnages et situations ordinaires en histoires extraordinaires
partageant leurs origines et leurs séquences, à l’image de leur auteur, entre
les rives toulousaines et celles du fleuve Saint-Laurent et de la région des
Grands Lacs. Un schéma qu’il reprend, en le magnifiant, dans son superbe
dernier roman venant, enfin, justement récompenser une production à part,
encore insuffisamment connue, d’un des grands romanciers français actuels.
C’est pour une fois dans un espace confiné que se déroule
une grande partie du récit. Celui d’une cellule que, Paul, occupe à la prison
Bordeaux de Montréal en compagnie d’un géant, genre mâle dominant, amoureux fou
des Harley Davidson et membre des Hell Angels.
Pourquoi et comment Paul, un homme tranquille, un ancien
intendant et homme-à-tout-faire d’une copropriété pour retraités aisés s’est-il
retrouvé à partager le quotidien et les gestes les plus intimes, dans une
cocasserie qui fait en partie le sel du roman, d’un type à la cervelle de
moineau et aux muscles de titan ?
Commence alors une longue histoire qui nous promènera des
plages sablonneuses du Jutland d’où est originaire le père de Paul, aux quais
de la Garonne à Toulouse où son paternel officie comme Pasteur désormais marié
à une femme superbe qui va transformer un petit cinéma de quartier en salle
d’art et essai d’un genre de moins en moins compatible avec le ministère de son
époux. Une promenade que les turpitudes paternelles transporteront ensuite au
cœur du Canada francophone profond, quittant un temps les mines d’amiante à
ciel ouvert pour fréquenter les lieux de perdition que sont casinos et champs
de course tandis que la future compagne de Paul sillonne les cieux aux
commandes de son petit Beaver spécialisé dans les navettes improbables.
Vu comme cela, cela pourrait tenir du délire. Tricoté par
Dubois, cela devient un récit génial, drôle et triste à la fois, une façon
tendre et caustique de regarder le monde, ce même monde que tous les hommes
n’habitent pas de la même manière, provoquant discordes et catastrophes en tous
genres. Jean-Paul Dubois signe là l’un de ses plus grands romans.
Publié aux Éditions de l’Olivier – 2019 – 246 pages