Le grand romancier israélien nous propose une fois encore un parcours intérieur dans un univers clos, celui qui va se nouer entre deux personnages, progressivement.
A l’automne de sa vie, un écrivain juif originaire des Carpathes et émigré à Tel-Aviv va prendre les services d’une jeune femme, simple, travailleuse et dévouée.
Veuf de sa première épouse dont on apprendra qu’elle est morte pendant la retraite de Russie et divorcé de sa seconde épouse, qu’il détestait, l’écrivain par ailleurs spécialiste des langues et membre de l’intelligentsia locale, vit en reclus et en toute simpicité.
Malade d’un cancer et temporairement en phase de rémission, il entreprend de conter sa vie. Entre lui et Irena, la jeune femme qui prend soin de lui, va se nouer petites touches par petites touches, une relation chaste mais fusionnelle. Un sentiment d’une telle pureté qu’il va permettre à l’écrivain de trouver le chemin d’une écriture allégée, essentielle, celle qui va droit au cœur des lecteurs.
Une écriture qui lui permet d’affronter ses démons. Tout jeune, il s’embrigada dans les jeunesses communistes et, grâce à son talent d’écriture et de dialectique, il en devint un cadre essentiel entièrement tourné vers la persécution des siens, Juifs, pour les sauver d’une religion abrutissante et dégradante.
Coupé de ses parents dont le silence pesant l’étouffait, il lui faudra la fureur de la deuxième guerre mondiale, ses horreurs et les exactions staliniennes pour comprendre ses erreurs et, progressivement, se rapprocher de ceux qu’il aura abominés et terrorrisés.
Cette vie dont il se repent et le retour vers ses souvenirs d’enfance, ryhtmés par une religion ancrée au plus profond du quotidien ne pourront refaire surface que grâce au progrès de la maladie qui accélère l’urgence de se souvenir et d’écrire et à l’amour quasi céleste qui se noue entre lui et Irena.
C’est à un duo entre deux êtres que tout oppose que se livre brillamment Appelfeld, une fois de plus. Celui de l’érudit dont l’intégrité physique ne cesse diminuer d’une part, celui d’Irena, femme simple et aimante, auditrice attentive des récits où l’écrivain met avec énergie et détermination toute son âme, tout son cœur et tout l’amour qu’il éprouve une dernière fois.
Un duo aux phrases minimalistes car il y a peu à dire quand les âmes savent dialoguer. La force de ce roman réside dans sa puissance évocatrice et ses plongées, en apnée, dans un passé idéal et perdu qu’il convient de faire connaître aux nouvelles générations avant qu’il ne soit trop tard.
Car la vie n’est pas l’érudition. C’est ce que comprend enfin l’écrivain. Elle est avant tout savoir être aux autres, les écouter et apprendre d’eux. Elle est symbiose avec son environnment, ce que dit la religion hébraïque de façon symbolique lorsqu’il convient de laver à grande eau ses péchés dans la rivière.
Un superbe moment de sincèrité, un cheminement vers le dépouillement indispensable quand on sait avoir encore le temps de se préparer à la mort qui vous attend.
Publié aux Editions de l’Olivier – 232 pages
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