Qualifié de roman, il s’agit plutôt d’une biographie précise et détaillée des dix dernières années de Ravel.
Dix années marquées par la gloire – Ravel est alors le compositeur le plus admiré au monde à égalité avec Stravinsky – mais aussi dix années marquées par un lent déclin de l’esprit.
C’est dans cette dualité que l’humanité du compositeur apparaît dans son entièreté. Elle est admirablement rendue par Echenoz qui sait décrire avec pudeur les progrès inéluctables d’une maladie dans laquelle les facultés intellectuelles immenses de l’artiste vont s’affadir jusqu’à disparaître totalement quelques semaines avant sa mort.
C’est aussi cette souffrance qui distancie Ravel par rapport à lui-même, qui le fait voir à lui-même comme un autre que soi dont il admire les œuvres qu’il ne reconnaît plus comme siennes, les ayant oubliées, qui rend l’homme admirable et pardonnable.
Car Ravel avait un caractère épouvantable. Homme malingre et au visage peu amène, c’était un véritable dandy, tiré à quatre épingles, soucieux du moindre détail jusqu’à refuser d’apparaître en public faute d’avoir ses souliers vernis. Il les fit venir de Paris à Vienne par le mécanicien du premier train afin d’éviter un incident diplomatique.
Il oubliait les noms, y compris de ses plus intimes, les désignant par des métaphores souvent peu glorieuses et se comportait vis-à-vis d’eux comme un malfrat peu reconnaissant.
Parfois imbu de sa personne, souvent asocial, il éprouvait de réelles difficultés à communiquer en société.
Pourtant ce fut une star adulée, portée aux nues et dont le fameux boléro l’imposa comme un novateur absolu. Médiocre pianiste, médiocre instrumentiste, il n’en composa pas moins des œuvres pour piano seul ou piano et orchestre (cf ses deux concerti) d’une difficulté technique presque sans pareille. Il fut l’un des compositeurs majeurs du vingtième siècle, un de ceux qui firent la transition entre le romantisme et la musique atonale.
Echenoz nous fait voir l’homme ; celui qui doute, qui souffre, qui se débat avec les multiples difficultés, mentales ou musicales, pour se transcender et faire avancer l’humanité.
Un livre touchant et indispensable à tous ceux qui s’intéressent un tant soi peu à la musique et aux hommes qui la composent.
Publié aux Editions de Minuit – 124 pages
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